Exploitation, habitat indigne, insécurité administrative, emprise de la mafia, c’est le quotidien des travailleurs agricoles africains qui ramassent les fruits et légumes en Italie et notamment la tomate dans la région de Basilicate, au sud du pays.
C’est la fin de la saison de la tomate en Basilicate, petite région d’Italie du sud coincée entre les Pouilles et la Calabre. Bancé et une cinquantaine de ses camarades d’infortune pour la plupart originaires du Burkina Faso squattent depuis deux mois deux petites maisons abandonnées perdues au milieu de la plaine de Boreano dans le Nord de la Basilicate. Ils ont été jusqu’à cent entassés entre leurs murs décatis sans eau ni électricité dans les effluves des ordures qu’ils brûlent faute d’un service de ramassage qui viendrait jusqu’à eux. L’eau potable est stockée dans des bidons de produits phytosanitaires, quelques poules s’égayent. Le froid et la pluie sont arrivés tôt cette année.
Des conditions de vie déplorables et souvent des ghettos
Avant d’arriver dans le Nord de la Basilicate pour cueillir les tomates, Bancé était dans les Pouilles et, avant cela, en Campanie pour ramasser les pommes de terre. Dans quelques jours, il partira pour la Calabre puis la Sicile pour la saison des agrumes où ses conditions de vie ne seront pas meilleures. Et rebelote au printemps prochain, comme chaque année depuis bientôt quinze ans qu’il vit en Italie où l’État n’a que faire de ses travailleurs agricoles étrangers pourtant indispensables à la bonne marche de son industrie agroalimentaire (...)
Quand ce n’est pas une maison abandonnée qu’il investit avec ses compatriotes, c’est dans un ghetto qu’il trouve refuge comme à Foggia dans les Pouilles. (...)
Le caporalato, un système mafieux d’intermédiation entre l’agriculteur et le travailleur agricole (...)
Outre de mettre les parties en relation, le “caporal” fournit également le transport du travailleur jusqu’au champ, sa nourriture et fait parfois fonction de gestionnaire ghetto au sein desquels se développent diverses activités criminelles comme la prostitution ou le trafic de drogue. Le caporal va également contrôler la qualité du travail pour le compte de l’employeur. À travers le service qu’il rend, le caporal spécule sur le salaire déjà faible du travailleur.
La région Basilicate a reçu une enveloppe de 9 millions d’euros pour lutter contre le caporalato. Les résultats se font attendre. (...)
"La tomate, c’est une histoire où tout le monde exploite celui qui est en dessous de soi dans la filière : le travailleur agricole par l’agriculteur, l’agriculteur par l’industrie de transformation, l’industrie de transformation par la grande distribution désormais entre les mains de fonds d’investissement." (...)
Abandonnés par les syndicats, isolés de la société, les travailleurs agricoles ne peuvent compter que sur de rares soutiens. (...)