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Le Monde
En France, les avocats s’emparent du rapport Duclert sur le Rwanda
Article mis en ligne le 25 avril 2021

S’appuyant sur le travail de la commission d’historiens, les parties civiles réclament la reprise de l’enquête sur le massacre de Bisesero.

Le rapport de la commission Duclert sur la responsabilité de la France au Rwanda (1990-1994) a fait avancer le travail historiographique. Publié fin mars, suivi de la déclassification de près de 8 000 documents, il a aussi fourni une matière de référence aux spécialistes du droit, à l’origine de procédures lancées depuis deux décennies. Soit un enchevêtrement, en France, de dizaines d’enquêtes. Jeudi 22 avril, les avocats de six parties civiles ont ainsi adressé un courrier aux juges du pôle crimes contre l’humanité - crimes de guerre, cosaisis d’une instruction ouverte en 2005, afin de les inviter à reprendre leurs investigations et à procéder à de nouveaux actes. Au cœur de cette instruction : le massacre de centaines de Tutsi par les Hutu sur les collines de Bisesero, près du lac Kivu, fin juin 1994, pendant l’opération « Turquoise » organisée par la France. (...)

Ces plaintes de rescapés, portées notamment par l’association Survie, la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et la Ligue des droits de l’homme (LDH), visent une période de trois jours, entre les 27 et 30 juin. Une période au cours de laquelle les militaires français ne sont pas intervenus pour empêcher les massacres. Négligence ? Erreur d’analyse de la situation ? La réponse se trouve dans les informations dont disposaient les soldats, leurs courroies de transmission, la nature des décisions prises ensuite à Paris et leur exécution.

Pourtant, les magistrats qui se sont succédé ont semblé circonscrire l’enquête aux seuls soldats déployés sur le terrain, réfutant l’hypothèse d’une complicité de génocide. Une accusation rejetée aussi par la commission d’historiens présidée par Vincent Duclert. Aucune mise en examen n’a été décidée dans l’instruction, seuls des témoins assistés ont été entendus. En juin 2019, les juges avaient refusé de poursuivre leurs investigations, mais le parquet, prudent, n’a toujours pas pris de réquisitions. « C’est peut-être lié au fait qu’on était dans l’attente du rapport Duclert, avance Me Patrick Baudouin, avocat de la FIDH. Au vu de ce document, il paraît impossible de limiter l’enquête au petit microcosme de militaires présents sur place. » La possible rencontre entre le président français, Emmanuel Macron, et son homologue rwandais, Paul Kagame, en mai, pourrait accentuer l’intérêt pour ces procédures judiciaires françaises. (...)

Le courrier estime que « les conseillers, politiques ou militaires » de François Mitterrand et les haut gradés du ministère de la défense devraient être entendus, voire poursuivis. Huit personnalités sont citées, parmi lesquelles figurent Hubert Védrine, alors secrétaire général de l’Elysée, François Léotard, ministre de la défense, Bruno Delaye, conseiller Afrique du président, ou encore le général Christian Quesnot, chef de l’état-major particulier du président. (...)