
C’est une photographie de la population immigrée et de ses descendants, une photographie sociale qui raconte qui sont les immigrés, d’où ils viennent, pourquoi ils migrent, où et comment ils s’insèrent et ce que deviennent leurs enfants après eux. Jeudi 30 mars, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a publié une somme d’études démographiques intitulée « Immigrés et descendants d’immigrés en France ».
Une immigration qui augmente et se diversifie
Cet ouvrage permet d’apprécier les dynamiques à l’œuvre dans un pays où la part d’immigrés dans la population est passée de 6,5 % à 10,3 % entre 1968 et 2021. Ce faisant, avec 7 millions de personnes, la France se situe dans la moyenne en Europe (...)
Leur profil a profondément évolué dans le temps. Alors qu’en France, en 1968, 72 % étaient originaires d’Europe du Sud et du Maghreb, ceux-ci représentent aujourd’hui 45 % des immigrés (en France vivent ainsi 887 000 immigrés d’Algérie et 600 000 du Portugal). Depuis les années 2000, ce sont en particulier les arrivées en provenance d’Asie et d’Afrique subsaharienne qui progressent. Facilitée par la libre circulation, l’immigration intra-européenne est elle aussi dynamique. En 2021, 48 % de l’ensemble viennent d’Afrique, un tiers d’Europe et 14 % d’Asie. (...)
Les femmes, qui représentaient 44 % de la population immigrée en 1968, sont désormais une majorité (52 %). De même, les immigrés sont dans leur ensemble plus diplômés que par le passé (...)
Les motifs de venue en France se diversifient eux aussi. L’immigration familiale recule (elle ne représente plus qu’un tiers des nouveaux titres en 2021, contre la moitié en 2007) au profit de l’immigration étudiante – qui a représenté pour la première fois le premier motif de venue en 2021 –, mais aussi professionnelle (13,3 % des titres délivrés en 2021, trois fois plus qu’en 2007) et politique (14,6 %).
Des immigrés plus touchés par le chômage (...)
Une fois en France, les immigrés suivent des trajectoires sociales qui se distinguent de la population générale. Ils se concentrent dans les grandes aires urbaines et les départements frontaliers. (...)
Ils présentent en outre un désavantage net par rapport au reste de la population face à l’emploi. Alors qu’en 2021, 7 % des personnes ni immigrées ni descendantes d’immigrés sont au chômage, c’est le cas de 13 % des immigrés. (...)
Lorsqu’ils sont en emploi, ils sont plus souvent en CDD et en intérim que le reste
de la population et « occupent également plus souvent des emplois moins qualifiés,
associés à des rémunérations moindres et des conditions de travail plus difficiles »,
souligne l’Insee. (...)
Ils sont aussi surreprésentés dans certains secteurs d’activité comme les métiers
d’aides à domicile ou d’assistantes maternelles pour les femmes d’Afrique, ou le
secteur de la construction pour les hommes d’origine européenne.
Pour expliquer les différences de taux et de qualité d’emploi, l’Insee identifie
plusieurs facteurs : le moindre niveau de diplôme (38 % n’ont aucun diplôme,
contre 16 % des non-immigrés), la non-reconnaissance des diplômes obtenus à
l’étranger ou encore la moindre maîtrise de la langue française. C’est notamment
le cas des réfugiés, qui sont moins souvent originaires de pays francophones
(30 %) que le reste des immigrés (67 %). (...)
Les femmes sont dans une situation d’éloignement du marché du travail
particulièrement marquée. Bien que plus diplômées, elles sont « neuf fois plus
souvent inactives et trois fois moins en emploi à temps complet que les hommes »,
relève l’Insee. Si le motif de la migration, qui est familial dans les trois quarts des
cas pour les femmes, peut expliquer en partie cette situation, il ne suffit pas à lui
seul. « La probabilité d’être inactives augmente avec le nombre d’enfants et le fait
de vivre avec un conjoint », note l’Insee, dans un contexte où le projet migratoire
des femmes « inclut souvent la fondation d’une famille ».
Des conditions de vie plus difficiles (...)
A l’arrivée, les conditions de vie des immigrés s’avèrent plus difficiles que celles
du reste de la population. En 2019, la moitié a un niveau de vie inférieur à
1 417 euros par mois, soit 15 % de moins que celui des descendants d’immigrés et
26 % de moins que celui des personnes sans ascendance migratoire.
Ils sont deux fois plus souvent touchés par la pauvreté monétaire, en particulier
lorsqu’ils sont originaires d’Afrique ou d’Asie. Cela se traduit par toutes sortes de
privations (...)
De même, environ un quart des immigrés vivent dans un quartier prioritaire de
la politique de la ville, « contre 3 % des personnes sans ascendance migratoire », et
autant habitent dans un logement suroccupé, « contre environ une personne sur
huit pour l’ensemble de la population ». Leur état de santé est aussi moins bon.
Alors qu’ils consomment moins de tabac et d’alcool que les non-immigrés, ils se
trouvent plus souvent en situation de surpoids ou se déclarent davantage touchés
par la dépression, en particulier les femmes, parmi lesquelles « près d’une sur cinq
est atteinte d’un tel syndrome ».
Une forte mobilité sociale chez les descendants d’immigrés
L’Insee s’est aussi penché sur les trajectoires des descendants d’immigrés qui
représentent 11,2 % de la population. Ces derniers pâtissent également d’une
situation sociale plus défavorisée que la population sans ascendance migratoire
directe. (...)
Pourtant, rappelle l’Insee, « les niveaux de diplôme des descendants d’immigrés
sont très proches de ceux de la population ni immigrée ni descendante
d’immigrés », ce qui témoigne d’une forte élévation du niveau d’éducation et
d’une forte ascension sociale d’une génération à l’autre. Ainsi, « 33 % des
descendants d’immigrés dont le père était ouvrier non qualifié deviennent cadres
ou exercent une profession intermédiaire » alors que c’est le cas de 27 % des
personnes sans ascendance migratoire.
La situation moins favorable sur le marché du travail peut notamment
s’expliquer par les discriminations à l’embauche. (...)