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Mediapart
En Cisjordanie occupée, une opération massive de « colonisation sauvage »
Article mis en ligne le 31 juillet 2022

Le 20 juillet, des milliers de colons israéliens se sont donné rendez-vous aux quatre coins de la Cisjordanie pour y créer dix nouveaux avant-postes en une soirée, espérant influencer la politique du gouvernement. Au grand dam des Palestiniens, qui voient de plus en plus de terres confisquées, et la violence des colons s’intensifier.

Région de Naplouse (Cisjordanie occupée).– Il y a une longue file de voitures, quelques bus à l’arrêt et des groupes de colons israéliens qui descendent de ces derniers, munis de sacs à dos d’où dépassent des tapis de sol, des paquets de cornflakes ou des casseroles pour cuisiner.

Ce sont des jeunes en majorité, mais aussi des familles entières, qui passent d’une colline à l’autre et traversent quelques sentiers imperceptibles jusqu’à arriver sur cette petite terre palestinienne le long de la route 5, coincée entre la zone industrielle des colonies d’Ariel et de Barkan, dans le nord de la Cisjordanie. Turban rose pâle couvrant ses cheveux, longue jupe et chaussures de randonnée, Nehora Zaichik, venue de la colonie de Rehelim avec son mari et ses trois enfants, dégage le sol et commence à y installer une tente. « Nous sommes là... be’zrat hashem, si Dieu le veut… pour construire sur tout le pays. Ici, mais aussi là, là-bas, partout », dit-elle, pointant du doigt toutes les terres alentour.

Comme elle, ces milliers d’ultranationalistes juifs ont répondu à l’appel de Nachala (« héritage » en hébreu, faisant référence à celui d’une « Terre promise »), un mouvement qui prône la colonisation et dont l’objectif est d’établir le plus d’avant-postes possible - colonies illégales, même au regard du droit israélien. Le 20 juillet, trois points de rendez-vous ont été donnés du nord au sud de la Cisjordanie avec un objectif - construire dix nouvelles implantations sauvages - et un mot d’ordre : « S’ils nous font partir d’une colline, nous irons sur une autre et s’ils nous chassent, nous reviendrons. » (...)

Le ministre israélien de la défense Benny Gantz avait promis de les faire arrêter. Mais tous déambulent, sous l’œil attentif et protecteur de l’armée israélienne et de la police, qui avait préalablement bloqué tout accès aux Palestiniens en établissant des check-points. Devant une station-service, le point de rendez-vous, une toute petite poignée de militants de la gauche israélienne essaient de les stopper.

En vain : la police les repousse rapidement et violemment. (...)

sous les applaudissements d’une foule de militants galvanisés, chauffés à blanc, qui dansent en rond, le député d’extrême droite Itamar Ben Gvir fait son entrée. Ce chef de file du parti Otzma Yehudit (« puissance juive » en hébreu), ouvertement raciste, rêve d’un « Grand Israël » englobant toutes les terres palestiniennes, la Jordanie, et une partie de la Syrie et de l’Arabie saoudite. (...)

Ces ultranationalistes veulent ainsi influencer la politique du gouvernement, qui, selon Matan Rosenfelfer, jeune homme de 28 ans, de la colonie de Peduel, ne va pas assez loin. (...)

Et il le sait : sur la volonté du gouvernement, cette petite terre peut très vite être reliée à l’eau, à Internet, à l’électricité. Ce ne sera pas cette fois : l’avant-poste comme les six autres créés ce jour ont été évacués au petit matin, hors des caméras des journalistes.
Violences croissantes

L’appel à la prière résonne du haut de la colline. Il vient du village palestinien de Bruqin, à côté duquel Brukhin, une colonie créée en 1998. « Ils ont même pris le nom de notre village », soupire un jeune Palestinien de 28 ans, adossé à la porte d’une petite épicerie aux lumières tamisées.

Il nous décrit comment la population croissante des colons en Cisjordanie - qui dépasse maintenant le demi-million – restreint ses libertés. (...)

« C’est toujours la même chose, c’est l’apartheid, souffle à ses côtés le gérant. Et le reste du temps, ils essaient de nous attaquer. »

Le nombre d’incidents liés à la violence des colons a fortement augmenté ces dernières années. (...)

Les attaques prennent des formes très variées. Parfois, elles sont même coordonnées entre différentes colonies ou avant-postes, se font en pleine journée, avec la police et l’armée israéliennes à proximité, comme l’a confirmé un rapport de l’ONG Breaking the Silence publié l’été dernier. Sans compter les menaces des colons armés sur les Palestiniens, le harcèlement moral et psychologique au quotidien, poussant les communautés à partir. (...)

Depuis le début de l’année, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), deux Palestiniens ont été tués par des colons. (...)

« Ces colons savent bien qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent, dans l’impunité la plus totale. » Hassan Harb, dont le fils a été tué par des colons (...)