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Mediapart
En Algérie, les mères divorcées se mobilisent pour la garde de leurs enfants
Article mis en ligne le 3 janvier 2022

En Algérie, lorsqu’une femme divorcée se remarie, elle perd la garde de ses enfants, contrairement à un homme qui peut refaire sa vie sans condition. Depuis plusieurs mois, les Algériennes se mobilisent pour faire changer la loi.

Le divorce de Karima a été prononcé en 2014. Mais sept ans plus tard, les menaces lâchées par son ex-mari à la sortie du tribunal hantent toujours cette habitante du sud de l’Algérie, qui préfère rester anonyme. « Il m’a dit : “Je t’ai brisé ta vie. Et si tu daignes vouloir la reconstruire un jour et te remarier, je viendrai reprendre ta fille” », se souvient-elle.

Par peur de voir ce scénario devenir réel, elle refuse de refaire sa vie avec un autre. « J’ai eu des propositions, mais je ne veux pas perdre ma fille. » Car en Algérie, l’article 66 du code de la famille déchoit la femme divorcée de la garde de ses enfants si elle se remarie « avec une personne non liée à l’enfant par une parenté prohibée ».

En d’autres termes, dans la loi algérienne, lorsqu’une mère rompt son mariage, que la décision vienne d’elle ou de son conjoint, la garde de l’enfant lui revient. Sauf si elle y renonce. En revanche, si elle se remarie avec une personne sans lien de parenté proche avec l’enfant issu du précédent mariage, elle en perd la garde. Le père, lui, peut refaire sa vie autant de fois qu’il le souhaite, sans condition, et sans que son droit de garde n’en soit affecté.

Mariage religieux ou célibat forcé

Il suffit à l’ex-conjoint de présenter à la justice une preuve du remariage de son ex-épouse pour lui retirer l’enfant. Conséquence : quand elles veulent refaire leur vie, nombre de femmes se contentent d’une cérémonie religieuse, sans aucune trace écrite.

« Le mariage religieux n’offre aucune garantie. Ni à la femme ni à l’enfant, constate maître Warda Berrahoui. Sans acte de mariage ni livret de famille, l’enfant ne peut porter que le nom de sa mère. Comment sera-t-il perçu par la société ? Comment va-t-il grandir ? » (...)

Des milliers de femmes réclament justice

Malgré les tabous qui pèsent sur leur situation, Radia, Karima et plus de 12 000 autres Algériennes divorcées ont décidé de sortir du silence. Depuis quelques mois, elles se réunissent via un groupe Facebook où elles échangent conseils et soutiens. Et sous un mot-clic qui peut se traduire par « non à la déchéance de la mère algérienne de son droit de garde en cas de remariage », rédigé en arabe et en anglais, elles demandent l’abrogation de l’article 66 du code de la famille. Celui-là même qui les déchoit de leur « hadana », terme arabe pour désigner la garde de l’enfant.

Leur combat ne se limite pas au virtuel. Conférences de presse, lettres ouvertes au président de la République et au ministère des affaires religieuses, pétitions… Rassemblées au sein d’une association, ces « mères Courage » multiplient les stratégies pour interpeller les politiques.Des milliers de femmes réclament justice

Malgré les tabous qui pèsent sur leur situation, Radia, Karima et plus de 12 000 autres Algériennes divorcées ont décidé de sortir du silence. Depuis quelques mois, elles se réunissent via un groupe Facebook où elles échangent conseils et soutiens. Et sous un mot-clic qui peut se traduire par « non à la déchéance de la mère algérienne de son droit de garde en cas de remariage », rédigé en arabe et en anglais, elles demandent l’abrogation de l’article 66 du code de la famille. Celui-là même qui les déchoit de leur « hadana », terme arabe pour désigner la garde de l’enfant.

Leur combat ne se limite pas au virtuel. Conférences de presse, lettres ouvertes au président de la République et au ministère des affaires religieuses, pétitions… Rassemblées au sein d’une association, ces « mères Courage » multiplient les stratégies pour interpeller les politiques. (...)

À 35 ans, son père ne l’autorise pas à emménager seule avec sa fille. Car en Algérie, on ne quitte le foyer familial qu’après le mariage. Rares sont les personnes qui s’installent seules en étant célibataires. Et ce peu importe l’âge ou le genre.

« Déjà être une femme et vivre seule, c’est presque impossible. Mais alors être en plus une femme divorcée, c’est pire. Surtout chez nous, dans le Sud, où c’est encore très conservateur, regrette la fonctionnaire, à qui plusieurs amies ont tourné le dos après sa séparation. Leurs époux leur interdisent de me fréquenter. Ils pensent que j’ai une mauvaise influence pour elles. »

Ces préjugés, Karima les subit au quotidien. Dans la famille, dans la rue, au travail… « Les gens pensent qu’une fois divorcée, tu acceptes tout, tu n’as plus d’honneur. On m’a même déjà proposé des relations sexuelles contre de l’argent. On me harcèle régulièrement. Comme si c’était normal. Comme si c’était permis. »

Sauf exception, la majorité des femmes divorcées en Algérie n’ont d’autre choix que de retourner vivre chez leurs parents. Souvent avec les frères, les sœurs, les belles-sœurs… et la promiscuité qui s’ensuit. (...)

« Ils me mettent la pression et veulent que je me remarie. Mon père m’accuse de le déshonorer, refuse d’élever mon fils et pense que je devrais le laisser à son père. Mon frère pense que personne ne le prendra au sérieux car il a une sœur divorcée à la maison. Ma mère dit que de toute façon mon enfant ne m’apportera rien. »

Face à un quotidien aussi pénible, la jeune femme déprime. « Parfois, je pense à en finir. J’ai des idées noires. Je ne vois pas d’issue. D’autres fois, je me dis que je devrais prendre la mer vers l’Europe avec mon fils pour enfin vivre et être en paix. » (...)

l’article 66, par son caractère discriminatoire et sa non-prise en compte de l’intérêt de l’enfant, est contraire à la Constitution. (...)