
À l’issue de la guerre civile déclenchée par le général Francisco Franco, la défaite des républicains espagnols est consommée. Certains qu’une répression sans pitié les attendait en Espagne, des centaines de milliers d’entre eux se réfugient en France au début de l’année 1939. Des journalistes de gauche — mais pas seulement — témoignent alors de leur sort.
« Notre tour de la souffrance est désormais terminé. À Latour-de-Carol, à Argelès en passant par Saint-Cyprien, Bourg-Madame, Amélie-les-Bains, Arles-sur-Tech, Le Boulou, nous avons vu, touché de près, les plus épouvantables misères. » Voici une dizaine de jours que le reporter Ribécourt, de retour d’Espagne, visite les camps des Pyrénées-Orientales accueillant les républicains espagnols. De tous ses confrères dépêchés sur place par la presse de la gauche française, c’est lui qui en possède la connaissance la plus ample. Il travaille pour le quotidien Ce soir, dirigé par les journalistes-écrivains Louis Aragon et Jean-Richard Bloch, et dont le secrétaire général est leur homologue Paul Nizan. Le journal est créé en mars 1937 par le parti communiste pour concurrencer le Paris-Soir de l’industriel Jean Prouvost, auquel il va emprunter l’essentiel de sa maquette, et la part belle y est faite à la photographie. Laquelle est fréquemment issue de l’œil de Robert Capa, crédité ou non.
En ce 20 février 1939, le reportage de Ribécourt démarre en « une » : « 30 000 blessés et malades dans les camps de concentration ». Ce dernier terme peut surprendre. Il est alors celui employé par l’administration, et a été défini par le ministre de l’intérieur, Albert Sarraut, début février : « Le camp d’Argelès-sur-Mer ne sera pas un lieu pénitentiaire mais un camp de concentration. Ce n’est pas la même chose. » (...)
« l’exode le plus considérable qui se soit jamais produit à une frontière française ». Des centaines de milliers d’Espagnols la franchiront ; autant d’« étrangers indésirables » ainsi stigmatisés par les décrets-lois Daladier de 1938. (...)