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le Monde Diplomatique
En 1848, le « printemps des peuples »
« Manuel d’histoire critique » • 2014 I. Industrialisation, colonisation et entrée des masses en politique (1830-1900)
Article mis en ligne le 14 janvier 2020

La révolution est parfois contagieuse. Dans une ville, une étincelle : les barricades du peuple qui exige un changement de régime se dressent contre les fusils de la garde royale. La contestation s’étend, gagne un pays voisin, bientôt tout un continent. Ce scénario, qui a présidé au soulèvement arabe de 2011, fut aussi celui du « printemps des peuples » de 1848...

Les révoltes arabes de 2011-2012 présentées comme un « printemps des peuples » ont quelque peu ravivé le souvenir de celui de 1848. Au-delà des comparaisons un peu rapides, cette analogie rappelle que les révolutions sont des moments tout à la fois d’espérance, de désillusions, de malentendus et de violences. Le printemps est signe de régénération, et c’est sous ce symbole qu’il faut envisager les mouvements qui s’emparent des principaux pays européens en 1848, jusque dans leurs empires coloniaux (l’esclavage est aboli dans les Antilles cette même année ; des révoltes éclatent en Algérie en 1849).

On a longtemps privilégié la thèse d’une diffusion voire d’une contagion révolutionnaire, partie des journées de février à Paris. Si la chute du gouvernement de Louis-Philippe et la proclamation de la IIe République constituent un signal, ils ne sont pas un détonateur. Dans toute l’Europe existent alors des mouvements sociaux, des meneurs politiques et des situations qui ont déjà provoqué des étincelles révolutionnaires. C’est en Sicile, le 12 janvier 1848, que la première révolte éclate. (...)

Si les situations varient, les Européens vivent partout, à des rythmes divers, des bouleversements économiques et sociaux inédits. L’industrialisation et l’urbanisation modifient en profondeur les sociétés. En France, par exemple, la population urbaine augmente de moitié entre 1811 et 1852, passant de 4,2 millions à 6,4 millions d’habitants. A cela s’ajoutent des revendications nationales d’émancipation ou d’unification, portées surtout par des intellectuels engagés, comme Giuseppe Mazzini, ou par des libéraux qui souhaitent arriver au pouvoir et imposer leurs vues. (...)

Radicalisations sanglantes

Partout ou presque, le pouvoir cède dans un premier temps, accordant des réformes constitutionnelles et des mesures libérales (élection du Parlement de Francfort, levée de la censure de Berlin à Vienne, libération des paysans du servage féodal) ou préférant la fuite. Les insurrections jalonnent donc toute l’année. Des émeutes éclatent en mars à Budapest, à Prague, à Vienne, à Berlin, à Milan, donnant provisoirement le pouvoir aux représentants du peuple, et surtout aux nouvelles élites bourgeoises. Les aspirations populaires déçues aboutissent dans les capitales à des radicalisations sanglantes. (...)

On a souvent dit que trois pays avaient échappé au « printemps des peuples » : le Royaume-Uni, la Russie et la Belgique. Cette idée mérite d’être remise en cause. (...)

De la Russie à l’Ouest européen, une épidémie de choléra accompagne la victoire des forces réactionnaires. (...)

L’échec final des mouvements révolutionnaires à partir de 1849 doit beaucoup à ce qui fut interprété comme un signe : la propagation d’une épidémie de choléra qui, de la Russie à l’Ouest européen, accompagne la victoire des forces contre-révolutionnaires.