
Le résultat des élections turques, célébré par l’Union européenne comme une victoire de la démocratie, a certainement été accueilli avec moins d’enthousiasme par les quelque deux millions de réfugiés syriens vivant dans le pays. (...)
Le gouvernement qui ressortira de ces élections, quel qu’il soit, devra faire face à la pression croissante en faveur d’un durcissement des restrictions visant les Syriens, ont dit les analystes à IRIN.
Négociations
Ces deux dernières années, les pays voisins de la Syrie (la Jordanie et le Liban) ont progressivement fermé leurs frontières aux personnes souhaitant échapper à la guerre, tandis que la frontière irakienne a été investie par l’État islamique autoproclamé.
L’AKP a mené une politique active s’agissant de la Syrie, en offrant notamment son appui – non sans susciter la controverse – aux groupes armés dans le pays.
Mais il a aussi ouvert les frontières turques aux personnes fuyant la guerre, et investi près de six milliards de dollars pour accueillir les réfugiés dans des « camps 5 étoiles » et leur permettre de travailler librement.
La Turquie est devenue l’unique refuge des Syriens – ils sont 1,7 million à y vivre actuellement, et devraient atteindre les 2,5 millions d’ici la fin de l’année.
Bien que l’afflux de réfugiés syriens n’ait pas été un thème central de la campagne électorale – les sujets les plus urgents étant l’économie et les pouvoirs jugés excessifs d’Erdogan - les partis d’opposition ont remporté plus de voix que la moyenne dans les provinces les plus concernées.(...)
Les quatre partis représentés au Parlement après l’élection affichent des avis très divergents sur l’afflux de réfugiés et la question des frontières. De tous, l’AKP semble le plus disposé à l’égard des réfugiés.(...)
« Les 500 000 Syriens partiront, et 500 000 touristes arriveront à Gaziantep », a twitté Umit Ozdag, le représentant nouvellement élu du MHP dans la province, au mois de mai.
« Les Syriens nous volent notre travail et nos loyers s’envolent par leur faute », a dit le parlementaire dans une interview à la BBC Turquie la semaine dernière.(...)
« Une coalition AKP-MHP serait bien moins disposée à garder les frontières turques ouvertes », a dit Steven Cook, collaborateur émérite du Centre d’études sur le Moyen-Orient du Council on Foreign Relations (CFR).(...)
Si l’AKP et le MHP échouent à former une coalition, les deux autres scénarios probables sont a priori encore plus défavorables aux réfugiés syriens.
En cas d’échec du gouvernement de coalition ou en l’absence de coalition, il ne fait aucun doute que le président Erdogan convoquera des élections anticipées. Conscient d’avoir perdu des voix en juin face au discours anti-réfugiés, le parti au pouvoir pourrait bien accéder aux revendications croissantes des électeurs portant sur la restriction du flux de réfugiés dans les provinces du sud de la Turquie.
Plus tôt cette année, le parti a ainsi introduit des mesures restrictives visant les déplacements des réfugiés, en dépit des critiques formulées par les groupes de défense des droits de l’homme et les travailleurs humanitaires.
L’autre option, qui ferait planer une grande incertitude sur les réfugiés syriens, est une coalition d’opposition.(...)
Les dynamiques du conflit
Quelle que soit la forme que prendra le nouveau gouvernement, les trois analystes s’accordent à dire qu’il devra faire face, comme l’a dit M. Cook, « à une pression interne importante s’agissant des réfugiés syriens, dont il semblerait à ce stade qu’ils ne soient pas prêts de rentrer chez eux dans un avenir proche ou même un jour. »
Selon M. Seckin, on peut s’attendre à ce que les dépenses gouvernementales consacrées aux réfugiés syriens soient surveillées de plus près, et à ce que certaines questions comme celle du travail des réfugiés soient sérieusement débattues.
Au Liban, les réfugiés syriens ont l’interdiction de travailler s’ils n’ont pas de garant, et M. Seckin a dit qu’il était possible que les restrictions se durcissent encore.
« Je pense qu’il est peu probable que nous assistions à la fermeture complète des frontières […] mais il est bien possible que le financement des camps et des provisions soit surveillé de plus près, et que les droits des réfugiés soient contestés. »
Si les islamistes à l’intérieur de la Syrie continuent de progresser vers la ville portuaire de Lattaquié – le fief alaouite du clan Assad, où vivent également des centaines de milliers de musulmans sunnites déplacés à l’intérieur de leur propre pays – cela pourrait entraîner une nouvelle vague de déplacements, a averti M. Seckin.(...)