
En septembre dernier, Reporterre révélait que les travaux du barrage de Sivens n’avaient pas pris en compte la loi sur l’archéologie préventive, en dépit des indices de présence archéologique au Testet. Nous sommes aujourd’hui en mesure d’affirmer qu’il existe des traces archéologiques effectives sur la zone. Des fouilles devraient être entreprises
Lisle-Sur-Tarn, reportage
27 octobre 2014 au matin, sur la zone humide du Testet, près de l’endroit où le jeune Rémi Fraisse a été tué par la police la veille. Alors que partout l’on cherche à recueillir le plus d’éléments possible sur les circonstances de sa mort et que la police scientifique se fait attendre, nous croisons la route de Sabine Puech, habitante de la région et archéologue à l’Institut national de Recherches Archéologiques Préventives (INRAP) de Toulouse.
Aucun diagnostic archéologique n’a jamais été conduit
« J’ai été appelée par une connaissance qui a trouvé des fragments abondants de terre cuite dans les tranchées », dit-elle. Ces tranchées sont les excavations creusées à la pelle mécanique par les promoteurs du barrage. Elles mesurent environ deux mètres de largeur sur trois mètres de profondeur, délimitant les zones de chantier. En y regardant de plus près, la scientifique décèle sur 1,5 mètre de profondeur et plusieurs mètres de large un nombre important de tuiles et de fragments divers.
« Il est très difficile d’évaluer à l’œil la datation d’un fragment et son origine ainsi que le contexte dans lequel il est découvert, c’est-à-dire la fonction du lieu, surtout quand on ne peut observer que des coupes de tranchées écroulées », explique-t-elle. Elle récupère néanmoins quelques fragments qu’elle présente à ses collègues quelques jours plus tard. (...)
Les chercheurs de l’INRAP ne sont pas les seuls à avoir retrouvé des témoins du passé. Philippe, habitant d’une commune voisine, raconte avoir été avec sa compagne sur la zone pour chercher. « Nous avions déjà découvert des vestiges dans notre jardin ».
Le 25 octobre, le voilà sur place « à chercher des fragments tandis qu’en face on voyait des échanges musclés avec la police ». Sur les collines situées au sud de la zone, « là où tout a été décapé et décaissé et où l’on voit les marnes, on a trouvé des morceaux de terre cuite, de tuile ancienne, enfouies à au moins trois mètres de profondeur ».
Plus bas, au milieu de la zone terrassée, Sabine Puech a de son côté trouvé « le fragment d’une anse d’un vase médiéval, ramassé hors contexte », et donc isolé, même si « toute la terre qui a été tassée à cet endroit provient de la zone elle-même ». (...)
Ironie du sort : c’est la destruction en profondeur de la zone humide qui a engendré la mise à jour de ces indices. Sous la zone de vie des gendarmes, lieu de tous les affrontements, dans les tranchées creusées qui délimitent le parking, Sabine Puech a également constaté la présence d’une « structure de type drain ou fossé qui traverse la tranchée à plus de cinquante centimètres en dessous du sol » mais dont la datation est indéterminée. (...)
il nous a suffi de visiter le musée Raymond Lafage de Lisle-Sur-Tarn pour en savoir plus. Dans la plaquette Voyage archéologique dans le canton de Lisle-Sur-Tarn, on remarque qu’hormis la période de la préhistoire ancienne, on trouve des traces de présence humaine aux environs immédiats de la zone (moins de 500 m) durant toutes les périodes historiques, depuis le paléolithique jusqu’à l’époque moderne. L’un des sites médiévaux recensé est d’ailleurs localisé directement dans la zone, probablement au lieu-dit Testet puisqu’il s’appelle « Saint Pierre d’en Teste ». (...)
La question doit dans tous les cas être reposée avant le 6 mars prochain : le Conseil général veut alors adopter une nouvelle mouture du projet, déplaçant de 300 mètres en amont le chantier du barrage, et le positionnant de ce fait en plein dans la zone susceptible de contenir des traces archéologiques.