
Les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme publient, cette semaine, « Le traître et le néant » aux éditions Fayard. Une enquête de 630 pages sur l’accession au pouvoir d’Emmanuel Macron et son quinquennat. « Certains trouveront que l’image renvoyée du Président n’est pas si mauvaise, d’autres qu’elle est accablante », expliquent-ils.
« La plupart des membres de la classe politique, de droite comme de gauche, sont passés à côté d’Emmanuel Macron. Très jeune, inexpérimenté, jamais élu, il se lance au dernier moment. Aucun n’a imaginé qu’il deviendrait Président, » expliquent Gérard Davet et Fabrice Lhomme (...)
« Des consignes ont été données par l’Élysée pour ne pas nous rencontrer. On est dans un système quasi monarchique faisant que le Président, quel qu’il soit, inquiète. Cette inquiétude est, aujourd’hui, poussée à l’extrême. C’est ce qui nous a convaincus encore plus de poursuivre notre enquête », expliquent Gérard Davet et Fabrice Lhomme. Ouest-France a rencontré les deux journalistes à l’occasion de la sortie de leur livre Le traître et le néant, aux éditions Fayard.
Quelles différences voyez-vous entre les trois derniers présidents, auxquels vous avez consacré un livre ?
Tous trois ont une soif inextinguible de pouvoir, même si Emmanuel Macron la dissimule plus que les autres. Nicolas Sarkozy est facile à cerner. On l’aime ou on ne l’aime pas, mais sa personnalité est claire. François Hollande, plus difficile d’accès, a une politique sociale-démocrate bien identifiée. Emmanuel Macron, lui, n’est identifiable ni humainement, ni politiquement. C’est le sujet de notre livre. Nous avons cherché à le démasquer. À montrer que derrière sa personnalité apparemment insaisissable et une politique faite de zigzags, il y a en fait une cohérence.
Quelle est-elle ? Qui est vraiment Emmanuel Macron ?
Son côté dissimulateur, manipulateur, revient régulièrement. C’est quelqu’un qui se cache et cache ses objectifs. Nous les mettons au clair. Il est libéral en politique et, sur le plan personnel, il avait un plan prémédité pour accéder au pouvoir. Quitte à trahir François Hollande et le parti socialiste.
À quand remonte cette préméditation ?
Depuis ses débuts comme inspecteur des finances, si l’on en croit Alain Minc. Il annonce vouloir devenir président de la République très tôt. Il bénéficie d’ailleurs d’un réseau extraordinaire. Des hommes d’affaires de poids ont tout mis en œuvre pour l’installer, avec un financement de sa campagne par des personnages ayant touché des commissions sur des cessions d’entreprises que lui-même avait validées en tant que ministre de l’Économie. Ce qui pose évidemment question.
Des signalements ont d’ailleurs été faits au procureur de Paris sur ce point…
Oui, mais le dossier n’avance pas. C’est une constante. Bien des affaires visant la Macronie sont au point mort. (...)
La morale, l’éthique ne sont manifestement pas essentielles pour lui. (...)
Nous avons revu l’ancien chef de l’État à ce sujet. Il ne s’explique toujours pas sa propre cécité à l’égard d’Emmanuel Macron. (...)
Le « truc » d’Emmanuel Macron est qu’il est séducteur, charismatique, malin, faisant croire à la personne qu’il a en face de lui qu’elle est la plus importante du monde. Il renvoie à ses interlocuteurs plus âgés l’image de ce qu’ils ont été ou de ce qu’ils auraient voulu être. Et Brigitte Macron joue un rôle majeur dans cette mécanique. Elle est présente à chaque moment important. (...)
Y a-t-il dans Le traître et le néant les ingrédients pour bousculer et déranger Emmanuel Macron ? Nous pensons que oui. On a le sentiment d’avoir réussi à mettre des mots sur des sensations que peuvent éprouver les Français à l’égard du Président depuis quatre ou cinq ans, mais sans bien les comprendre. (...)
On ne peut pas résumer un Président à ses écarts de comportements, de langage, ou même à sa politique. Emmanuel Macron a fait des choses très bien, tout comme ses prédécesseurs. Mais il a aussi des zones d’ombre dans l’exercice du pouvoir. C’est en levant le voile sur ces zones d’ombre que l’on éclaire une démocratie. Certains trouveront que l’image renvoyée n’est pas si mauvaise, d’autres qu’elle est accablante, au contraire. Mais ce n’est pas à nous de conclure. Nous sommes journalistes. Juste journalistes. (...)
Il ne sait pas gérer les gens. Il a clairement un problème de personnel politique. Beaucoup ne sont pas au niveau dans son entourage, composé de renégats du socialisme bien peu compétents et de gens de droite venus à lui par pur opportunisme. Benjamin Griveaux, Agnès Buzyn, Nathalie Loiseau : les exemples de mauvais casting sont extrêmement nombreux. Et il a la crainte de s’entourer de personnalités qui pourraient lui faire de l’ombre. Qui a trahi a peur d’être trahi. Il a remplacé Édouard Philippe au moment où la cote de popularité de ce dernier était très élevée. Il n’avait aucune raison objective de le faire, si ce n’est que ce Premier ministre prenait trop d’envergure. (...)