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EN CÔTE D’IVOIRE, ON NE PLEURE PAS LES CENTENAIRES DÉFUNTS, ON LES FÊTE
Article mis en ligne le 9 septembre 2018
dernière modification le 7 septembre 2018

Surnommés "le Vieux", "le Kôrô" ou "Nanan", les vieillards centenaires sont toujours célébrés en Côte d’Ivoire, même à leur décès, en raison du respect traditionnel quasi divin dont les anciens font l’objet dans un pays où l’espérance de vie n’est que de 55 ans environ.

Adjakoutié, un petit village balnéaire près de Jacqueville à l’ouest d’Abidjan, a récemment enterré Anne M’Boua Ahoutié, décédée à l’âge de 100 ans. Au son de la fanfare et sous un soleil de plomb, plus de 500 personnes ont chanté et dansé pour accompagner la dépouille de la centenaire au cimetière, où elle a été portée en terre sous des applaudissements nourris, sans cris ni pleurs.

"C’est une cérémonie festive pour nous, ce n’est pas juste un décès. La tradition fait qu’on célèbre quelqu’un qui a atteint cet âge au lieu de le pleurer à sa mort", lance Nicole Beugré, enseignante et arrière-petite-fille de la défunte. Une réalité largement partagée dans les pays d’Afrique. (...)

 Mourir vieux, une exception -

Cette longévité détonne en Côte d’Ivoire où, d’après les chiffres officiels, l’espérance de vie moyenne est de 55,8 ans (57 ans pour les femmes et 54,4 ans pour les hommes) : c’est nettement mieux que les 50,9 ans d’il y a une décennie mais cela reste peu par rapport aux pays développés (80,6 ans dans les pays de l’OCDE).

Si l’espérance de vie a augmenté, c’est en partie grâce à la réhabilitation de nombreuses infrastructures sanitaires et à la reprise de la croissance économique après la crise postélectorale (2010-2011) qui a fait 3.000 morts. (...)

Mais les hôpitaux manquent toujours de personnel qualifié et sont le plus souvent dépourvus de plateaux techniques. De plus, la mauvaise redistribution des fruits de la croissance économique n’a que peu fait baisser le taux de pauvreté (46% selon la Banque mondiale), un taux lié à l’espérance de vie.

"On a une population du troisième âge (plus de 60 ans) qui représente à peine 4% des 22 millions d’habitants", relève Gervais N’Da Konan, démographe à l’Institut national de la statistique de Côte d’Ivoire. (...)

"En Afrique, c’est la fraternité et surtout le sens de la famille qui nous amènent à ne pas nous séparer des vieilles personnes", explique l’universitaire Jules Évariste Agnini, critique du modèle occidental des maisons de retraite et présent à la cérémonie en l’honneur de Jeanne Danho Yacé.

"C’est une bénédiction de se réveiller chaque jour et de voir ces anciens à nos côtés. Il y a toujours une expérience que nous tirons de leur vie. Nous séparer de ces personnes serait nous couper d’une certaine source."