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“Dividendes climaticides” : Greenpeace déclare la guerre aux entreprises polluantes
Article mis en ligne le 10 mai 2020

Greenpeace France publie ce 7 mai un rapport sur les liens entre marchés financiers et climat, préconisant l’interdiction des dividendes lorsqu’ils sont liés à des activités climaticides. Clément Sénéchal, chargé de campagne politique climatique de l’ONG, nous en explique les résultats.

Le titre coup de poing du rapport publié par Greenpeace France ce 7 mai - “Climat : l’argent du chaos” - est à la hauteur de sa proposition : “Pour une interdiction des dividendes climaticides”.

Dans cette étude, l’ONG dresse un constat accablant sur le manque de moyens mis en œuvre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre à l’origine du dérèglement climatique, et respecter l’Accord de Paris. Le raisonnement est donc simple : dans le contexte de la crise économique provoquée par la pandémie, “les choix de relance économique arrêtés engageront la trajectoire climatique du pays pour de nombreuses années”. C’est pourquoi il est crucial d’“imposer aux entreprises polluantes des efforts environnementaux inédits”. Clément Sénéchal, chargé de campagne politique climatique de Greenpeace France, nous en dit plus sur cette proposition, et critique sévèrement le bilan d’Emmanuel Macron en matière d’écologie, trois ans après son élection. (...)

Nous montrons pourquoi la France est sur une trajectoire incompatible avec l’Accord de Paris et ne tient pas ses propres objectifs climatiques. D’abord, les multinationales françaises sont fortement émettrices, avec au moins 5 entreprises du CAC 40 qui présentent un bilan carbone similaire ou supérieur à l’ensemble du territoire national. Ensuite, aucune législation n’oblige les entreprises à réduire progressivement leurs émissions. (...)

Les activités polluantes sont donc plus lucratives que jamais ! (...)

Pour apporter un éclairage nouveau, nous avons calculé l’empreinte carbone des dividendes. Concernant l’entreprise la plus émettrice du CAC 40, BNP Paribas, 100 euros de dividendes possèdent une empreinte carbone équivalente à une vingtaine d’allers-retours Paris-New York en avion pour une personne. (...)

La crise sanitaire agit comme un bain révélateur. Elle démontre que l’accumulation pour l’accumulation ne répond pas aux enjeux d’intérêt général mis en relief par la réapparition soudaine du corps social dans la préoccupation politique. Elle fait le tri entre les activités essentielles et non-essentielles au regard d’un but commun. Elle illustre aussi la nécessité d’une intervention de la puissance publique dans l’économie pour lui donner une direction appropriée aux circonstances. Elle prouve enfin l’incapacité du marché à se suffire à lui-même, puisqu’il faut venir le secourir régulièrement avec les deniers publics.

En quelques semaines, tous les dogmes du néolibéralisme ont donc été suspendus, exhibant du même coup leur caractère mystificateur. Ce qui a laissé la place à une interrogation critique dans la société, autour de la fonction des dividendes ou des contreparties demandées aux multinationales ayant reçu des aides publiques. (...)

La stratégie économique du gouvernement est très préoccupante. Lors du vote à marche forcée du Projet de loi de finance rectificative en avril, 20 milliards d’argent public ont été offerts aux grandes entreprises françaises les plus polluantes, comme Air France ou Renault, sans la moindre contrepartie environnementale fixée dans les textes - alors que le secteur des transports est le plus émetteur en France ! (...)

Mais le plus inquiétant réside dans le cadre macroéconomique mobilisé par le gouvernement : accroissement de la dette souveraine (au lieu d’une intervention directe de la BCE sur le marché primaire pour financer directement les besoins ciblés de l’Etat) et maintien du statu quo sur le plan fiscal, plutôt qu’une imposition progressive renforcée (via un impôt de solidarité écologique et sociale sur le patrimoine, par exemple). Ce schéma prépare une cure d’austérité intenable par son ampleur, qui va obérer les capacités d’investissements écologiques de l’Etat d’une part, encourager d’autre part une recrudescence des “réformes structurelles” (privatisations, précarisation de l’emploi) dont l’effet principal sera d’affaiblir toujours plus les capacités de résilience de la société, pourtant indispensables face aux fléaux climatiques à venir. C’est une relance par les inégalités qui se profile. (...)

Les belles paroles d’Emmanuel Macron dissimulent souvent une démission politique. Là où il ne peut démontrer par les actes, il tente d’envoûter par les mots. (...)

L’enjeu aujourd’hui n’est pas de relancer l’économie, mais d’opérer une reconstruction écologique. L’Etat-providence du président ressemble surtout à l’état néolibéral le plus productiviste. Nous préférons l’Etat-résilience. Devise ? Moins de biens, plus de liens. Moins de concurrence, plus de présence. C’est un état social et planificateur, capable de mobiliser des investissements publics sans précédent dans les secteurs de la transition, comme l’agriculture bio et locale, la rénovation des bâtiments, les énergies renouvelables, les mobilités décarbonées. Mais il doit aussi conduire intelligemment la décrue des secteurs industriels fortement émetteurs. (...)

une prise de conscience fermente dans l’opinion publique depuis un certain temps. Une marche climat gigantesque a été spontanément organisée dans la foulée de la démission de Nicolas Hulot fin 2018, la plainte contre l’Etat pour inaction climatique (l’Affaire du siècle) a rassemblé le plus grand nombre de signataires jamais atteints en France début 2019, des actions de désobéissance de masse se sont multipliées dans la foulée… L’écologie s’est placée en tête des préoccupations des Français·es lors des élections européennes l’an dernier, une majorité d’entre eux privilégie “l’utopie écologique”, fondée sur une consommation réduite mais de meilleure qualité (...)

La crise pourrait faire basculer définitivement l’opinion publique, tant elle rend tangible, en plus de son injustice inhérente, l’irrationalité totale du système actuel. (...)

les Français·es sont aujourd’hui pour un démantèlement du paradigme néolibéral, maintenu de manière de plus en plus autoritaire. Il y a donc un problème démocratique. (...)

L’abnégation indescriptible des soignant·es, des caissier·es, des éboueur·es, de tous ces gens dont les métiers et la vocation sociale ont été dénigrés éhontément par l’élite économique et politique au pouvoir depuis des années, alors qu’ils sont indispensables à la collectivité, qu’ils sont nos premières digues, notre essence sociale. Le sens de l’intérêt général reste à la conscience humaine, nichée dans les cœurs, logés chez l’individu. Il y a donc quelque chose d’indestructible dans l’humanité, malgré les assauts méthodiques du cynisme, sur lequel construire un horizon et se tenir debout. Pour le reste, ce sont des rapports de force. Engagement, stratégies, tactiques. A nous de les gagner.