
"Dire n’importe quoi a une fonction politique : l’anti-intellectualisme. Il s’agit de dire que les intellectuels sont dangereux. Penser est dangereux. C’est ce qu’on entend dans tous les régimes autoritaires du monde". @EricFassin dans #LaMidinale. #Vidal https://t.co/TrMBVJYZEt pic.twitter.com/Wiemqkf4FO
— Pierre Jacquemain (@pjacquemain) February 18, 2021
Éric Fassin : « Il n’y a pas d’islamo-gauchistes en France, mais il y a des néofascistes »
(...) Le gouvernement s’approprie le vocabulaire de l’extrême droite et, par la voix de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche Frédérique Vidal, lance une chasse à l’islamo-gauchisme dans les universités. Pour en parler, Éric Fassin, sociologue et professeur à Paris 8, est l’invité de #LaMidinale.
(...) Sur la polémique lancée par Frédérique Vidal
« À défaut d’avoir des exemples sur les islamo-gauchistes, on va chercher du côté du fascisme. »
« Il y a beaucoup de confusion et il est tout de même embarrassant de lancer une polémique sans n’avoir rien compris des choses dont on parle. »
« Il y a une irresponsabilité de nos responsables politiques et cette irresponsabilité est délibérée. Au fond, dire n’importe quoi a une fonction politique : c’est jouer la confusion et l’anti-intellectualisme. Il s’agit de de dire que les intellectuels sont dangereux et donc penser est dangereux. C’est ce qu’on entend dans tous les régimes autoritaires dans le monde. »
« La dérive autoritaire passe toujours par l’anti-intellectualisme. »
« Montrer les rapports de domination dans la société c’est faire en sorte qu’ils soient visibles c’est-à-dire qu’il s’agit de troubler l’évidence des choses. Et c’est cela que ne veulent pas nos gouvernants. »
Sur le gouvernement et l’extrême droite
« On suggère aujourd’hui que peut-être la ministre aurait été maladroite comme si son propos était isolé alors que c’est le président de la République qui le premier a lancé l’offensive en juin dernier lorsqu’il jugeait les universitaires coupables de casser la République en deux. »
« Le ministre Jean-Michel Blanquer s’en était pris à la complicité intellectuelle avec les terroristes. »
« Frédérique Vidal a cru bien faire pour poursuivre le programme gouvernemental. »
« On a assisté il y a quelques jours à un débat entre Gérald Darmanin et Marine Le Pen et on voit qu’ils disent la même chose. »
« Le message c’est que sur les questions d’identité nationale, il n’y a pas de différence entre le gouvernement, le président de la République et le RN. »
« Les attaques contre une gauche identitaire sont un ralliement de la droite à l’extrême droite identitaire. »
« Il n’y a pas d’islamo-gauchistes en France, mais il y a des néofascistes. »
« On vit le triomphe de l’extrême droite en ce moment. Elle est au pouvoir alors même qu’elle n’a pas été élue. »
Sur l’intersectionnalité
« L’intersectionnalité est un champ d’études où tout le monde ne dit pas exactement la même chose, loin s’en faut. Sur la définition même : est-ce que l’on parle seulement des gens qui cumulent des handicaps ou bien est-ce que l’on parle de tout le monde ? »
« Est-ce que, lorsque l’on caractérise un universitaire comme moi d’homme blanc de classe moyenne, est-ce que c’est de l’intersectionnalité ? Pour ma part, je le crois car l’intersectionnalité, ce n’est pas seulement ceux qui subissent la domination mais l’ensemble des rapports sociaux. »
« Ce n’est pas la première fois en France que l’on voit des mobilisations contre le monde universitaire : il ya quelques années, c’était contre le genre - ou la théorie du genre. »
« En termes d’intersectionnalité, on a intérêt à remarquer que ceux qui attaquent précisément l’intersectionnalité, ce sont des gens qui sont plutôt en situation dominante : les dominants s’inquiètent que l’on parle de domination. »
« La bataille aujourd’hui, c’est : est-ce qu’il est légitime de parler d’inégalités lorsque l’on parle de la société ? »
« C’est quand on commence à parler de privilège blanc que l’on voit un sursaut d’inquiétude. C’est la peur des dominants d’être, eux aussi, identifiés. Le problème, ce n’est pas que l’on identifie les dominants, c’est que depuis des années on identifie les dominés. »
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