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l’OBS
Des voix s’élèvent en Italie pour défendre Battisti, au plus mal dans une prison pour djihadistes
Article mis en ligne le 25 juin 2021

Au vingtième jour de sa grève de la faim, Cesare Battisti a perdu dix kilos. Un homme très affaibli s’est donc rendu mercredi 23 juin, à 11 heures, soutenu par un gardien, dans la salle des parloirs pour son heure hebdomadaire de conversation sur WhatsApp. Il avait rendez-vous avec sa fille aînée, Valentine, qui expliquait récemment à « l’Obs » à quel point réclusion et solitude sont devenues pour son père, qui tourne en rond depuis des mois dans sa tête et quelques petits mètres carrés, un tourment effroyable au point que la mort lui semble plus enviable.

Emprisonné depuis la fin de sa cavale en janvier 2019 sous un régime « AS2 » réservé aux terroristes, l’ancien des PAC (Prolétaires armés pour le communisme, groupe italien d’extrême gauche actif de 1976 à 1979), n’a cessé d’attendre la levée de ce statut assorti de conditions d’incarcération féroces. Il voudrait quitter Rossano, forteresse pour détenus djihadistes plantée dans un coin reculé de la Calabre, où on l’a conduit en septembre, et purger sa peine dans une prison « normale ».

Avec la possibilité de sa mort, le silence qui entoure sa détention se fissure, et même les observateurs peu soupçonnables d’affinités avec le personnage sont embarrassés. Mattia Feltri, directeur du « Huffpost Italia », éditorialiste de « la Stampa », a posé les questions gênantes le 18 juin dans un billet saisissant intitulé « Les Braconniers » :

« Cesare Battisti, proie à côté de laquelle les ministres d’alors, Alfonso Bonafede et Matteo Salvini, firent une photo-souvenir, tels des braconniers posant leurs bottes sur un lion pelé, est en grève de la faim depuis onze jours et bien décidé à continuer jusqu’à la mort (…) Cela fait deux ans, selon son avocat, qu’il devrait passer au régime ordinaire, mais personne ne s’en préoccupe. Depuis deux ans, contre toute loi et toute logique, l’Etat italien semble saisi non par une urgence de justice mais une urgence de vengeance. Rien ne justifie le régime de haute surveillance pour un quasi septuagénaire condamné à perpétuité pour des homicides commis il y a plus de quarante ans. Mais invoquer le droit à la justice et la dignité pour un homme détesté de tous paraît un peu trop ambitieux. »

Et l’éditorialiste de donner raison aux intellectuels de France qui s’opposent de longue date aux extraditions vers l’Italie (...)

Le lendemain, Michele Serra, plume influente de « la Repubblica », deuxième quotidien d’Italie (centre-gauche), approuve « mot pour mot » ce qu’il a lu dans « la Stampa » (...)

Depuis, la Rai 3, cette petite cousine italienne de France Culture, a lancé le débat dans « Tutta la città ne parla » (Toute la ville en parle), émission matinale très suivie. Parmi les invités, Roberto Della Rocca, président de l’Association italienne des victimes du terrorisme, a rappelé que le prisonnier a été condamné et « ses condamnations confirmées par six juridictions ». Il a moqué « ceux qui prétendaient que Battisti n’avait rien à voir avec les quatre homicides ». Mais il a été très clair :

"« Pour notre association, il n’a jamais été question que d’appliquer la loi, non la vengeance. »"