
Imaginez que vous lanciez une bille sur une surface rugueuse : la bille avancera, ralentissant jusqu’à ce qu’elle s’immobilise. Mais si la bille était une bille quantique — à la fois une bille (une particule) et une onde —, que se passerait-il ? Eh bien, une fois lancée, elle avancerait, ralentirait, puis ferait finalement demi-tour pour revenir au point de départ où elle s’arrêterait pour toujours. Ce phénomène, appelé boomerang quantique, est intimement lié à la rugosité de la surface, ce que les physiciens appellent « désordre ».
Le désordre dans le monde quantique : histoire d’un prix Nobel
Supposons que vous placiez la bille quantique sur une surface lisse sans désordre (pas de rugosité). Dans le monde quantique, une particule se comporte aussi comme une onde : la bille-onde peut aller n’importe où, et s’éparpille donc sur toute la surface. Ce mécanisme est à la base des propriétés de conduction des métaux : si un électron est injecté dans un cristal (c’est-à-dire un solide où les atomes sont rangés de façon périodique et ordonnée), son onde quantique s’étale très vite et se délocalise partout dans le cristal. C’est pourquoi un courant électrique peut facilement circuler dans un fil de cuivre. (...)
Supposons maintenant que la surface n’est plus lisse : la bille va être déviée par les bosses et les creux de la surface (le désordre). L’onde va encore s’étaler, mais cette fois en se divisant en plusieurs ondelettes qui vont interférer. Ces interférences quantiques vont ralentir l’étalement de l’onde et, après un certain temps, la bille-onde va se figer et rester confinée. Même si vous inclinez la surface ou si vous la secouez, rien ne se passera : la bille-onde ne bouge pas. Ce phénomène, appelé localisation d’Anderson (car découvert par Philip Warren Anderson en 1958), est à la base des propriétés isolantes de certains matériaux où les atomes sont rangés de façon désordonnée, comme les polymères. Cette découverte a valu à Anderson le prix Nobel en 1977. (...)
Personne n’avait pensé à lancer la bille…
Que se passe-t-il si, maintenant, on lance la bille-onde avec une certaine vitesse sur la surface rugueuse au lieu de juste la déposer ? (...)