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Des mouvements contre la privatisation des banques publiques et pour leur transformation en banques au service ET sous contrôle de la population
Article mis en ligne le 7 septembre 2018
dernière modification le 5 septembre 2018

Le sujet des banques peine à mobiliser l’attention du public tant il est nappé d’un voile d’expertise et de complexité, bien entretenu par les grands argentiers de ce monde et leurs porte-voix – économistes et journaux économiques en tête.

Les scandales des agissements des banques nous parviennent pourtant et font eux l’objet d’articles, documentaires et autres débats où nous avons loisir de nous outrer du comportement des financiers et de leur pouvoir démesuré. Les crises nous sont également rapportées, car il faut bien trouver une histoire pour que la population les paie ; mais lorsqu’il s’agit de définir ce qu’il conviendrait de faire et de ne plus faire pour qu’un système bancaire au service de la population voit le jour, peu d’espaces sont encore ouverts. À moins que nous ne mettions le pied dans la porte.

Les alternatives qui voient le jour ou réémergent ici et là, avec un enthousiasme certain d’une frange de la population, montrent qu’il y a une place pour d’autres banques dont les préoccupations iraient avant tout à la nature des projets financés (dans l’intérêt de la population, au service de la transition écologique, etc.) et au rejet des activités néfastes telles que celles s’appuyant sur des paradis fiscaux. De telles banques ne mettraient pas le profit au premier rang de leur priorités. À l’exception de pays comme l’Allemagne où les banques coopératives et les banques publiques ont gardé la part belle du secteur bancaire, ces initiatives, aussi importantes soit-elles [1], restent marginales en taille, et n’en appellent souvent (mais pas toujours) qu’à notre bonne conscience de consommateur et de consommatrice.

Un autre enjeu se joue pourtant, dans le même temps : celui de l’avenir des banques nationalisées pendant la crise et de leur possible socialisation. Dans de nombreux pays, dès 2008, des banques ont été sauvées de la faillite grâce notamment à l’injection de capital public. Des États sont devenus propriétaires de banques parmi les plus grandes de leur pays (...)

rachats toujours menés dans l’urgence ont pu faire croire qu’un secteur bancaire public pourrait renaître. Pourtant, le discours gouvernemental a quasi toujours été sans ambiguïté : le rachat serait suivi d’une revente au meilleur prix, à des investisseurs privés, une fois la tempête passée et l’établissement remis à flot.

Des collectifs se sont organisés dans différents pays, pour défendre l’idée qu’une banque qui serait la propriété de la population pourrait être mise au service de celle-ci. (...)

n janvier 2017, en Belgique, la plateforme Belfius est à nous, constituée d’une trentaine d’organisations associatives et syndicales, dont le CADTM, lançait son manifeste et en appelait à l’ouverture d’un débat public, contre les plans de privatisations annoncés par le gouvernement et pour la socialisation de la banque. (...)

Force est de constater que le discours « comptable » (l’opération achat-vente serait financièrement neutre voire positive pour l’État) a la peau dure, et que la place pour des propositions sur d’autres voies possibles pour la banque ne se laisse pas prendre facilement. Après le lancement du manifeste la plateforme organisait en avril 2017, au jour de l’Assemblée générale officielle de la banque, une action devant son siège et une AG alternative. Comme le mentionne Frank Vanaerschot (Fairfin, porte-parole de la campagne), « les actions menées par la plateforme et des militant.e.s dans différentes villes de Belgique nous ont permis de réaliser que beaucoup de gens ne savaient pas que Belfius était une propriété publique et que cela nous donnait prise sur le cours des choses, car une fois vendue, les chances d’infléchir la politique de la banque seraient réduites à peau de chagrin ». (...)

Au sein du mouvement anti-privatisation, Attac, des syndicats et des partis politiques (Podemos, IU, Equo, PSOE) ont multiplié les actions et manifestations avec une mobilisation conséquente. Alors que le projet de vente oscille entre accélération et report, le mouvement organise des manifestations régulières contre les licenciements massifs annoncés pour cette année et en faveur d’une transformation de Bankia en une banque au service des collectivités et de la société.

En France, en réaction aux attaques régulières de l’État contre le service fourni par La banque postale, dernière banque publique de détail en France, le syndicat Sud défend depuis de nombreuses années l’accessibilité du service à travers un large réseau de bureaux de postes pour l’ensemble de la population, sans différence quant à la condition matérielle des personnes. (...)

Après le lancement d’une pétition, la plateforme se concentre maintenant sur la mobilisation des communes, pour qu’elles déclarent leur opposition à une privatisation qui pourrait leur coûter cher. (...)

En France, alors que les pressions sur La Banque postale continuent, Attac – inspiré par le mouvement belge - propose le lancement d’une campagne sous la bannière « La banque postale est à nous » qui viendrait soutenir le travail syndical et l’idée d’une banque publique au service de la population. Beaucoup de choses sont donc encore possibles, sans oublier les autres pays européens où des histoires similaires pourraient se jouer, comme les Pays Bas, le Portugal ou l’Italie, où des banques sauvées par l’État sont encore propriété publique, et où l’idée d’une socialisation de ces propriétés publiques pourrait avancer. (...)

Au-delà des logiques électorales et gouvernementales, qui n’iront pas d’elles-mêmes dans le sens d’un secteur bancaire socialisée, c’est sur des mouvements collectifs tels que ceux en cours en Espagne, en Belgique, en Grande-Bretagne ou en France que reposerait la responsabilité de faire vivre et émerger des idées concrètes autour de la reconstruction d’un secteur bancaire public au service de la population. Les expériences passées et actuelles, à travers le monde, démontrent qu’il y a de multiples façons d’organiser les services bancaires et que des voies de sorties existent, pour casser le monopole (réel et mental) des banques privées actionnariales, pour dépasser le mantra des grandes banques et des gouvernements selon lequel il n’y aurait pas d’autre alternative possible que le modèle actionnarial – celui-là même qui a construit puis profité de la crise de 2008. Les mouvements en cours en inspireront d’autres pourvu qu’ils se renforcent mutuellement, pourvu que les récits circulent, qu’ils racontent l’accaparement des banques par le pouvoir économique et étatique et qu’ils parlent d’émancipation par de nouvelles formes d’organisation et de contrôle populaire.