
C’est à se demander si l’enquête sur l’« islamo-gauchisme » réclamée par Frédérique Vidal sur CNews le 14 février 2021 a jamais dépassé le stade de l’annonce. Le ministère n’a en effet « toujours pas envoyé ses arguments en défense », indique-t-on au tribunal administratif de Paris. Des arguments attendus en réponse à un recours en « excès de pouvoir », formé par six enseignants-chercheurs qui demandent l’annulation de l’étude. Or Frédérique Vidal avait été mise en demeure de répondre, sous trente jours, le 10 février 2022. Le délai est expiré, ouvrant la voie à un jugement de cette question polémique en l’absence des arguments gouvernementaux. (...)
Un recours en « excès de pouvoir »
Dans ce contexte, six enseignants-chercheurs, appuyés par leurs avocats William Bourdon et Vincent Brengarth, avaient déposé le 13 avril 2021 devant le Conseil d’État d’abord un recours en « excès de pouvoir », demandant l’annulation de la décision ministérielle. Selon eux, ce projet d’enquête méconnaîtrait « la liberté d’expression », « le pluralisme » et la « légitimité » de différents champs de recherche, ainsi que « l’indépendance des enseignants-chercheurs », qui les soumettrait à « un droit de regard politique ». Le ministère n’avait pas répondu sur le fond, mais sur la forme ; sa direction juridique avait relevé, avec raison, l’incompétence de cette juridiction.
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La requête avait alors été transmise au tribunal administratif de Paris, le 13 juillet 2021. Et depuis ? Rien. Au grand dam des requérants, qui souhaitaient provoquer « un débat de fond », regrette Me Brengarth, afin de savoir si « ce type d’enquête peut être menée dans le monde universitaire ». Sollicité par le JDD en décembre 2021 et à nouveau cette semaine, le ministère n’a pas donné suite.
Comment expliquer ce silence ? Me Brengarth ne veut pas croire qu’il n’y ait pas d’enquête. « Ce serait ubuesque, commente-t-il. Pourquoi alors faire travailler le tribunal administratif, après le Conseil d’État, sur un rapport qui n’existerait pas ? »
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Qui alors serait chargé de mener cette étude, sachant que le CNRS et l’alliance nationale de la recherche publique française en sciences humaines et sociales, Athéna, ont tous les deux décliné ? Frédérique Vidal avait, il y a quelques mois, évoqué l’idée de la confier à un organisme européen, sans plus de précisions. À ce stade, le mystère reste entier.