
Drôle d’ambiance au Bourget : le texte est éclusé derrière des portes closes. La présidence française de la COP21 met la pression pour obtenir un accord dans les délais, afin de pouvoir annoncer un succès diplomatique. Au détriment sans doute du fond : pressés par le temps, les négociateurs risquent fort de s’accorder sur un texte a minima. Consensus mou, très mou. Les options susceptibles de déboucher sur des solutions réelles face au dérèglement climatique sont gentiment éclipsées. Et la frustration comme l’inquiétude montent chez les ONG.
Au même moment, nous publions une vaste enquête qui montre comment l’industrie pétrolière est capable d’acheter très facilement des universitaires pour faire publier des rapports fallacieux mais conformes à leurs intérêts mercantiles.
(...) Dans l’histoire qui suit, nous montrons comment il est possible pour ces compagnies de s’acheter des rapports académiques pour contester la nocivité des énergies fossiles sur le climat. (...)
Pendant six mois, certains membres du bureau anglais de Greenpeace se sont fait passer pour des représentants d’entreprises de charbon et de pétrole, afin d’enquêter sur le travail académique autour des énergies fossiles. Ils ont donc demandé à de célèbres professeurs des universités de Princeton et de Pennsylanie de rédiger des articles favorables à l’exploitation du pétrole et du charbon pour les pays en voie de développement, contre rémunération.
Le professeur William Happer, universitaire climatosceptique de premier plan, a ainsi accepté d’écrire un rapport pour une « compagnie pétrolière du Moyen-Orient » (appelons-la “Greenpeace Petroleum”) et de ne pas divulguer sa source de financement. Pour situer le personnage, W. Happer devait s’exprimer hier après-midi même devant le Sénat américain, en tant qu’orateur principal d’une audience organisée par le candidat républicain aux présidentielles Ted Cruz.
Ils ont également demandé au professeur Frank Clemente, sociologue à l’université de Pennsylvanie, s’il pouvait écrire un rapport pour « contrer les recherches préjudiciables qui établissent un lien entre le charbon et les morts prématurées, en particulier le chiffre de l’OMS selon lequel 3,7 millions de personnes meurent chaque année de la pollution des combustibles fossiles ». (...)
L’enquête a également mis au jour l’existence de « voies alternatives » permettant à des entreprises pétrolières et gazières étrangères de financer, tout en gardant l’anonymat, des scientifiques et des organisations américaines climato-sceptiques. (...)
Commentant les résultats de l’enquête, le directeur de Greenpeace au Royaume-Uni, John Sauven, a déclaré : « Cette enquête lève le voile sur un réseau d’universitaires disposés à vendre leurs services qui permettent aux entreprises des énergies fossiles d’influencer secrètement le débat climatique sans laisser aucune trace. Nos recherches révèlent que certains professeurs d’universités prestigieuses peuvent être financés en sous-main par ces entreprises pour produire des rapports qui sèment le doute sur les changements climatiques. La question qui se pose maintenant est très simple : au fil des années, combien de rapports scientifiques qui ont semé le doute sur les changements climatiques ont été effectivement financés par les industriels du pétrole, du charbon et du gaz ? Cette enquête montre comment ils procèdent ; il nous faut maintenant tirer au clair où et quand ils l’ont fait. Il est temps de faire la lumière sur les climato-sceptiques. » (...)