Des chercheurs ont montré qu’il était possible de supprimer une mutation responsable d’une maladie cardiaque grave chez des embryons humains. Ces travaux suscitent de nouveau un débat éthique à propos de l’utilisation de l’édition génomique en médecine reproductive et ses dérives possibles.
Pour la première fois aux États-Unis, des chercheurs ont réussi la prouesse consistant à corriger un gène dans un embryon humain : c’est une première dans ce pays. Lors de cette expérience, ils se sont servis des techniques de l’édition génomique, avec les ciseaux moléculaires CRISPR-Cas9. Les chercheurs ont utilisé les ovocytes de 12 femmes en bonne santé et les spermatozoïdes d’un homme qui portait la mutation MYBPC3, responsable de la cardiomyopathie hypertrophique. (...)
L’embryon ne s’est développé que quelques jours et il n’était pas prévu de l’implanter pour une grossesse. Les résultats paraissent dans Nature. (...)
D’après les chercheurs, il n’y aurait pas eu d’autres modifications hors cible. Ceux-ci affirment avoir réussi à moduler le mosaïcisme (le fait que l’embryon soit une mosaïque de cellules différentes). (...)
CRISPR suscite des débats éthiques dans la communauté scientifique
La technique employée pourrait s’appliquer à d’autres maladies. D’après le Washington Post, les chercheurs seraient intéressés pour la tester avec le gène BRCA1, dont les mutations favorisent le cancer du sein. Ces travaux sont sensibles car ils touchent des cellules de la lignée germinale, et donc des gènes qui pourront être transmis aux générations suivantes. Le Royaume-Uni fait figure de pionnier en la matière : il a autorisé de telles expériences sur les embryons, dans des conditions très encadrées. D’autres pays sont plus réservés. Aux États-Unis, il ne peut pas y avoir de financement public sur de telles recherches. En mars, un rapport parlementaire français a souligné l’intérêt thérapeutique de l’outil CRISPR-Cas9 et s’est prononcé en faveur d’un débat public sur cette question. (...)
Des chercheurs chinois ont utilisé l’édition génétique (le système CRISPR-Cas9) pour introduire une résistance au VIH dans des embryons humains. C’est la deuxième publication scientifique qui décrit une telle modification génétique, un an après une première mondiale, déjà en Chine, en avril 2015. (...)
Plusieurs scientifiques internationaux expriment dans Nature leur scepticisme vis-à-vis de la nécessité de réaliser de telles expériences, comme George Daley, un biologiste du Children’s Hospital, à Boston, aux États-Unis : « Cet article ne semble pas offrir bien plus que des preuves anecdotiques que cela fonctionne dans les embryons humains, ce que nous savions déjà ». (...)
Tetsuya Ishii, spécialiste de bioéthique de l’université Hokkaido, à Sapporo, au Japon, ne voit pas de problème dans la façon dont ces expériences ont été menées, car un comité d’éthique local les a approuvées. Toutefois, il s’interroge lui aussi sur la nécessité de ces expériences : « Introduire CCR5Δ32 et essayer de réparer, même dans des embryons non viables, c’est tout simplement jouer avec des embryons humains ».
En février dernier, les autorités britanniques ont donné leur accord pour des expériences de modification d’embryons humains. Ces recherches, menées par Kathy Niakan à l’Institut Francis Crick de Londres, ont pour but d’inactiver des gènes impliqués dans le développement précoce de l’embryon dans l’espoir de mieux comprendre pourquoi certaines grossesses s’arrêtent spontanément. Ce travail sera réalisé dans des embryons viables mais les chercheurs devront arrêter les expériences au bout de 14 jours. Le travail de Kathy Niakan vise à répondre à des questions sur l’embryologie, alors que celui de l’équipe de Yong Fan est de montrer comment générer un individu résistant au VIH. Deux objectifs bien différents donc. L’édition génétique n’a probablement pas fini de faire parler d’elle...