Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Basta !
Des centres de santé où médecins, travailleurs sociaux et habitants (se) soignent autrement
Article mis en ligne le 14 mai 2016
dernière modification le 11 mai 2016

Depuis quelques années, un petit réseau de centres de santé pas comme les autres s’est tissé aux quatre coins des quartiers populaires français. « Case de santé », « Place santé », « Massilia santé system »... Des projets nés de travailleurs sociaux, de médecins et d’habitants qui veulent prouver qu’on peut soigner autrement, sans ordonnances à rallonge et sans consultations à la chaîne. Avec un leitmotiv : si la santé est déterminée par l’environnement social, alors l’accès aux droits sociaux est aussi important que le soin. Si les financements suivent, ce modèle prometteur pourrait bien faire tâche d’huile. Reportage.

Associatifs, municipaux ou mutualistes, les 1 609 [1] centres de santé français se distinguent essentiellement des maisons de santé – regroupements de professionnels de santé libéraux – par le salariat d’équipes pluridisciplinaires. Sous le même toit peuvent être réunis des professionnels de la santé, du social, des agents d’accueil et des coordinateurs [2]. Pour être conventionné par l’Assurance maladie, le centre doit pratiquer le tiers payant, les tarifs conventionnels de secteur 1 et se donner les moyens de lutter contre les « inégalités sociales de santé ». Car en quartier populaire et ailleurs, l’accès aux soins n’est pas seulement entravé par l’éloignement géographique des structures.
« Réintégrer la santé dans le champ du politique et du social »

Une évidence pour l’équipe marseillaise, constituée en septembre 2011 autour du « Massilia sante system », un collectif de soignants qui souhaite « réintégrer les problématiques de santé dans le champ du politique et du social ». Si tous ont l’expérience de la médecine de ville, certains sont aussi passés par des centres de santé ou des associations comme le Planning familial ou Médecins du Monde. Aujourd’hui, ils s’approprient le concept de « santé globale » [3]. « On avait envie de changer « l’espace-temps » de la santé, de pouvoir se parler entre collègues, de prendre le temps avec les gens quand il y en a besoin. Ce qui n’est pas très motivant ou possible quand on est seul en cabinet libéral, payé à l’acte » note Oriane. (...)

Les centres associatifs ne représentent qu’un petit tiers des centres de santé. Mais le projet marseillais s’inscrit dans une démarche de « santé communautaire », déjà éprouvée au Québec ou en Belgique, mais encore méconnue en France. Le principe : impliquer réellement les habitants du quartier dans la conception et la vie du centre, définir avec eux leurs besoins, encourager leurs initiatives. (...)

la grande référence de ces projets en devenir, c’est la Case de Santé, une petite structure associative toulousaine. Expertise juridique dans l’accompagnement des étrangers malades, accompagnement social, ateliers vidéo et théâtre-forum, formation d’étudiants en médecine, carrefour de luttes pour les usagers… Depuis son ouverture en 2006, l’équipe ne cesse d’innover. « La Case » est même devenue un repère pour les habitants du quartier Arnaud Bernard. Ici, soignants et travailleurs sociaux estiment que les conditions de logement ou de travail ne sont pas annexes, qu’elles ont un impact crucial sur la santé des personnes. Conséquence : quand en 2014, la Case menace de fermer pour cause de restriction des financements, les usagers se mobilisent aux côtés de l’équipe en grève. (...)

Existe-t-il une solution aux problèmes de financement de ces structures pionnières ? A Saint-Denis, Marseille, Toulouse et ailleurs, on rêve d’un système de paiement « par capitation » – une enveloppe annuelle allouée aux structures en fonction de leur nombre d’usagers. Une pratique banale en Belgique ou au Royaume-Uni, que le Syndicat de la médecin générale (SMG, classé à gauche) réclame depuis des années. Après cinq ans de financements expérimentaux [5], un récent accord national des centres de santé prévoit l’allocation par l’Assurance maladie d’une rémunération forfaitaire spécifique, censée compléter les revenus tirés du paiement à l’acte [6]. « Aujourd’hui, il y a un essor des centres de santé municipaux dans les villages isolés. Avec le salariat, les communes peuvent y attirer de jeunes soignants, qui n’ont plus l’esprit entrepreneurial de la médecine libérale », note Richard Lopez, président de la fédération nationale des centres de santé (FNCS).

De jeunes soignants que Didier Ménard voit comme les représentants d’une « révolution culturelle » de la médecine généraliste. « Aujourd’hui, le médecin doit accepter que quelqu’un d’autre regarde son travail. Ce n’est pas évident pour des gens qui ont travaillé seuls pendant quarante ans… Nous montrons que travailler en équipe permet de partager ses angoisses et ses doutes, d’éviter des erreurs ». Malgré la précarité des financements et les impasses bureaucratiques, le modèle des centres de santé continue à essaimer. (...)