En 2018, dans un groupe WhatsApp, des cadres de la Banque postale échangent des messages racistes sur leurs collègues d’origine maghrébine. Elles y parlent de fraudes aux arrêts de travail et de séminaire avec des « orangs-outans ».
« Après notre séminaire avec les orangs-outans puis dans la savane, je vous propose un séminaire au Maghreb : À la recherche de nos ATM (arrêts de travail pour maladie) style la chasse au trésor. Partantes ? Dépaysement et exotisme garantis… Mais nos demandes de rançon risquent de ne pas être prises en charge par LBP (la Banque postale) ». Ce commentaire raciste date de 2018. Lui, et bien d’autres, sont extraits d’une conversation WhatsApp entre cadres de la Banque postale et visent plusieurs employés, hommes et femmes, ayant pour point commun d’être d’origine maghrébine. StreetPress s’est procuré des captures d’écran de ces échanges. « Pauvre petit chou ! Ce gros con se sert de la mort de son père pour se faire plaindre auprès de mon équipe », peut-on lire. (...)
L’ensemble des protagonistes travaille ou a travaillé sur le site historique des Chèques postaux encore situé à la Source, l’un des quartiers populaires d’Orléans (45). Elles étaient quatre dans le groupe, mais difficile de connaître leur temps d’activité. « Il s’agit essentiellement d’une cheffe d’équipe et de la responsable de service du Centre de la relation et de l’expérience client des chèques postaux », (...)
« Les cadres, tout comme les victimes de ces discriminations, ont été parfaitement identifiées du simple fait qu’elles donnent des précisions suffisamment explicites, jusqu’à afficher leur identité derrière des pseudonymes fantoches. » En d’autres termes, ces cadres de la Banque postale ne pensent même pas utiles de masquer, à minima, leur profil professionnel. (...)
« Quand nous l’avons saisie, la direction a assuré qu’il y avait prescription et qu’il s’agissait d’échanges dans le cadre d’une messagerie à caractère privé. »
Aujourd’hui, selon nos informations, la Banque postale, réalisant sans doute le côté absurde de cette notion de « prescription », a abandonné cette défense hasardeuse pour creuser juridiquement le caractère privé de ce type d’échanges via l’application WhatsApp. (...)
Des conséquences sur la vie des salariés
Dans ce groupe de conversation, les manageuses accusent certains de fraudes aux arrêts de travail. Elles échangent également sur celles et ceux qu’elles estiment comme leurs « pires » collègues, en se réjouissant du départ d’un autre. Ce qui inquiète les syndicats, ce sont les conséquences possibles sur la carrière des agents concernés. « En plus des rémunérations variables liées à la vente, aux objectifs et au relationnel, les deux cheffes décident d’augmentations individuelles. (...)
Et comme les rémunérations sont de plus en plus individualisées à la Banque postale, notamment depuis son virage privé, il est extrêmement difficile de savoir qui touche quoi et de porter ces différences salariales devant les instances paritaires. (...)
Le syndicat exige des sanctions
Depuis l’alerte de Sud-PTT et après avoir fait machine arrière sur la question de la prescription, la direction des Chèques postaux a condamné les propos racistes, sexistes et dénigrants de ses cadres. Mais le syndicat exige qu’elles quittent leurs postes à responsabilités. (...)
D’autres inquiétudes
Cette affaire fait naître, en interne, d’autres inquiétudes. Et renvoie vers le climat de violence subi par leurs anciens collègues de France Telecom qui avait conduit à une vague de suicides, dans les années 2000. Faits pour lesquels l’ancien PDG, Didier Lombard, a récemment été condamné en appel. Le sentiment de nombreux agents interrogés anonymement par Streetpress est clair : Si le groupe La Poste et la Banque postale laissent ce genre de pratiques se généraliser, des conséquences irrémédiables pourraient survenir. (...)