
A l’école Plein Air d’Uccle, dans la banlieue de Bruxelles, les élèves assistent à des séances d’éducation sexuelle et affective dès la deuxième année de maternelle. Reportage.
(...) et c’est quoi, Nathan, la sexualité ? » La réponse ne tarde pas à fuser :
« C’est les gens qui s’aiment pour de l’argent, les prostitués. Et on avait aussi parlé un peu du viol. »
Ah. On s’attendait à d’innocentes évocations de zizi ou de zézette, mais on avait oublié que les enfants ne vivent pas dans des caissons. Même dans cette banlieue chic et feutrée de Bruxelles. Dès le plus jeune âge, ils absorbent les échos du journal télévisé ou l’érotisme bling-bling des clips de Rihanna.
« Je dois parfois répondre à des élèves de 7 ans qui posent des questions sur la sodomie ou la fellation », confirme Florent Loos, animateur depuis quinze ans, sexologue et psychothérapeute au Planning familial.
« Certains parents ont peur que nos séances donnent des idées aux enfants alors qu’elles servent souvent à digérer le trop-plein d’informations sexuelles reçues de l’extérieur. »
Dans la boîtes aux lettres des élèves
Il y a une dizaine d’années, les professeurs de l’école Plein Air ont décidé de bâtir un projet pédagogique autour de l’éducation sexuelle. A l’époque, l’établissement comportait un internat, et les pensionnaires se plaignaient du manque d’intimité. Certains s’étaient fait surprendre en train de se masturber dans le dortoir ou se sentaient observés dans les douches collectives.
L’équipe décida donc d’installer une boîte aux lettres destinée aux sujets que les élèves n’osaient pas aborder avec les enseignants et les surveillants. A partir des messages et témoignages récoltés, des thèmes de réflexion ont été proposés en classe : pudeur, respect de soi et des autres, puberté, différences entre les filles et les garçons... Petit à petit, le principe s’est systématisé.
La « cellule plein cœur » fait désormais partie intégrante du projet d’établissement et intervient très tôt dans la scolarité : dès la deuxième année de maternelle, au moment des premiers questionnements sur le schéma corporel ou la reproduction, les élèves reçoivent chaque trimestre des séances d’éducation sexuelle animées par des professionnels du Planning familial.
Personne ne s’inquiète des cigognes (...)
« On peut manquer d’un toit, d’amour, d’espoir, de tout, mais ne pas disposer des mots qui désignent la souffrance est à mes yeux le malheur extrême », écrit Catherine Millet dans « Une enfance de rêve ». Les mots, la parole, le dialogue. Parfois, il ne faut pas hésiter à enfoncer des portes ouvertes : répéter et répéter que formuler, c’est libérer. (...)