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le Monde Diplomatique
Crise, par ici la sortie ?
Laurent Cordonnier Economiste, auteur de L’Economie des Toambapiks et de Pas de pitié pour les gueux, Raisons d’agir, Paris, respectivement 2010 et 2000.
Article mis en ligne le 18 mars 2012
dernière modification le 15 mars 2012

C’est une histoire économique contemporaine des Etats-Unis qui met aux prises trois groupes distincts : les capitalistes, les manageurs et les classes populaires. Et, à la fin, ce sont rarement les classes populaires qui gagnent…

La « crise du néolibéralisme » — c’est ainsi que Gérard Duménil et Dominique Lévy (1) désignent l’ère du capitalisme financiarisé et globalisé, sous dérégulation libérale — remet en question le compromis qui s’est noué au fil des trente dernières années entre la fraction du haut management, public et privé, chargée des questions financières, et les classes possédantes (les propriétaires). Ce compromis, dont l’objet est de faire croître sans limites les revenus des deux parties (profits et très hauts salaires mélangés), se trouve déstabilisé par les déséquilibres macroéconomiques qu’il a lui-même produits en captant les surplus au seul bénéfice de cette alliance. L’endettement de l’Etat, dès les années 1980, et l’endettement des ménages qui prendra le relais à partir des années 2000, ont constitué les moteurs d’appoint d’une demande interne affaiblie par le ralentissement de l’investissement (les profits trouvant meilleur usage dans l’alimentation des rentes et dividendes) et laminée par les importations. (...)

Car la crise de l’euro n’est qu’un épisode dans cette « grande crise », celle des régimes d’accumulation financiarisée, dont les trois traits caractéristiques, explique Robert Boyer, ne doivent pas être confondus avec les symptômes d’une forte récession : « L’absence de récupération endogène de l’accumulation, la multiplication des stratégies contradictoires que déploient les différents acteurs et la prévalence d’une incertitude radicale sur les voies de sortie de crise (3). » Une sortie qui, dans ces conditions, pourra prendre une ou plusieurs décennies, le temps que le réagencement des formes institutionnelles (les modalités de la concurrence, le rôle de l’Etat, le rapport salarial, la place de la finance…) offre un nouveau cadre aux stratégies d’accumulation. Mais on ne saurait exclure a priori un tout autre scénario, mettant en action de nouveaux compromis institutionnalisés « radicaux » : vers un système du crédit plus socialisé, l’institution d’un pouvoir des salariés dans les entreprises, la régionalisation des échanges commerciaux. L’espoir est permis, car « que tarde la sortie de crise et que s’approfondissent les conflits sociaux et les déséquilibres géopolitiques, et il se peut que le programme qui vient d’être esquissé acquière une certaine pertinence, voire qu’il devienne orthodoxie ».

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