
Même les guerres ont leurs lois : la protection des civils et des biens civils en fait partie. Or, à l’heure actuelle, en Ukraine, des milliers de personnes vivent sous les attaques illégales de l’armée russe et peu ont la possibilité de fuir par des chemins sans danger. Témoignages de civils ukrainiens.
Qu’est-ce qu’un couloir humanitaire (ou corridor humanitaire) ?
Lors d’un conflit, il s’agit d’un passage sécurisé que les populations civiles peuvent emprunter pour fuir les zones de combats. Il permet également l’acheminement de l’aide humanitaire (vivres, eaux, médicaments, médecins, etc). La protection des civils est une obligation au regard du droit international humanitaire et de la Convention de Genève.
Le 3 mars, l’Ukraine et la Russie ont convenu d’établir des couloirs humanitaires pour l’évacuation des civils et l’acheminement de l’aide humanitaire. Toutefois, la mise en œuvre de ces passages est lente et limitée. Pire encore, ces corridors s’avèrent peu fiables et dangereux. Certains d’entre eux conduisent les civils ukrainiens directement vers des territoires contrôlés par la Russie (notamment la Crimée, le Donbass ou encore la Russie). (...)
Les autorités ukrainiennes ont demandé que ces itinéraires permettent aux civils de Marioupol, d’Enerhodar, de Soumy, d’Izioum et de Volnovakha, des villes lourdement bombardées, de s’échapper, et aux résidents de plusieurs villes proches de Kiev - notamment Boutcha, Irpine et Hostomel - de pouvoir rejoindre la capitale. Or, plusieurs témoignages de civils nous indiquent qu’ils ont été empêchés de fuir ces villes par des bombardements russes incessants. (...)
Les attaques à Irpine
Dimanche 6 mars, près de la ville d’Irpine, dans la banlieue de Kiev, les tirs russes ont touché un point de passage prévu pour les évacuations, tuant plusieurs civils qui essayaient de fuir. (...)
Des journalistes qui filmaient dans la zone ont signalé qu’une autre attaque russe a eu lieu alors que de nombreux civils traversaient un croisement. Quatre personnes ont été tuées, notamment une femme et deux de ses enfants. Des médias ont également fait état de tirs et de bombardements dans cette zone, soulignant que ces attaques étaient disproportionnées et menées sans discrimination, et violaient le droit international humanitaire. (...)
L’impossibilité de fuir pour les personnes fragiles
Lors d’entretiens avec des résidents ukrainiens de villes menacées, nous avons entendu parler de personnes présentant des handicaps, de personnes âgées et de personnes souffrant de problèmes de santé éprouvant plus de difficultés que les autres à quitter aisément leur domicile, se mettre à l’abri des attaques et obtenir des soins médicaux. (...)
« Je veux partir parce que rester en Ukraine avec mon diagnostic, c’est du suicide. [Mais] c’est impossible de partir [...] J’ai peur d’évacuer parce que je suis une cible vivante. » Elena Kozatchenko, une femme atteinte d’un cancer
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De nombreuses personnes âgées menacées par le conflit sont confrontées à de grandes difficultés lorsqu’elles essaient de fuir et de se mettre à l’abri durant les attaques, et sont souvent moins disposées à quitter leur domicile, où elles ont passé des décennies, voir toute leur vie. (...)
Rita, 64 ans, médecin généraliste à Kiev, a expliqué : « Kiev est une vieille ville, les personnes âgées, celles dont la mobilité est limitée, ne peuvent pas descendre de leur appartement jusque dans le sous-sol. Dans notre immeuble, ils voulaient couper l’électricité [la nuit] pour ne pas attirer les bombardements [...] Nous avons répondu que cela revenait à condamner à mort les personnes âgées ; si elles ne peuvent pas utiliser l’ascenseur, elles ne peuvent pas du tout quitter leur appartement. »
« Ce sont surtout des personnes âgées qui restent [...] C’est plus sûr pour elles de rester que de se retrouver sans argent ni nourriture » Un membre du conseil régional de Kiev (...)
Des personnes interrogées à travers l’Ukraine ont aussi parlé du manque d’espace et des graves pénuries de nourriture, d’eau et de médicaments. Certaines n’ont pas pu quitter leur sous-sol depuis des jours, en raison des bombardements incessants de la Russie. Elles ont également connu des coupures d’électricité et de chauffage, et une rupture des communications ayant duré plusieurs jours.
Nos demandes à toutes les parties au conflit :
- Établir des couloirs humanitaires planifiés avec soin et sécurisés ;
- Fournir aux civils des moyens de transport accessibles, ainsi que de leur laisser suffisamment de temps pour quitter les lieux de manière sûre ;
- Laisser des organisations humanitaires impartiales porter secours à l’ensemble des civils se trouvant dans le besoin, notamment ceux qui resteront sur place après les évacuations ;
- Autoriser des observateurs et observatrices internationaux à se rendre sur place afin de s’assurer que les évacuations se font en toute sécurité ;
- Permettre aux personnes âgées et aux personnes présentant des handicaps, ainsi que d’autres groupes susceptibles d’être confrontés à des risques et des problèmes spécifiques s’ils fuient, d’être évacués en priorité ;
- Garantir l’inclusivité dans la planification et la communication relatives aux évacuations et à des couloirs humanitaires sûrs, notamment en garantissant que les informations, les moyens de transport et les services soient tous aisément accessibles.
🔴Notre site internet en langue russe vient d’être bloqué en Russie !
Le Kremlin veut supprimer l’accès à nos enquêtes sur les possibles crimes de guerre en Ukraine.
Mais nous continuerons de les documenter pour informer de toutes les violations des droits humains commises.
— Amnesty International France (@amnestyfrance) March 11, 2022