
Le secteur du cacao est en crise. Entre les inégalités sociales qu’il engendre et l’urgence climatique qui le menace, les défis auxquels est confronté l’or brun sont multiples.
En Côte d’Ivoire, le cacao équivaut à 45% de la production mondiale, 14% du PIB national et représente une source de revenus pour 24% de la population ivoirienne. Une véritable richesse donc, mais dont les modalités de production doivent être revues. C’est l’ambition du gouvernement ivoirien qui appelle à une cacaoculture plus durable sur le plan économique, social et écologique.
Une discrimination tarifaire indécente
S’il n’y a qu’un pas entre la production de cacao et son produit fini (le chocolat) l’écart des bénéfices engendrés frise l’absurde. Ainsi, alors que le marché représente 100 milliards de dollars à l’échelle mondiale, seules 6 % à 7 % des richesses sont redistribuées aux cacaoculteurs. Conséquence : alors que les ONG estiment que le salaire mensuel décent en Côte d’Ivoire (1) devrait se situer à quasi 140.000 CFA (220 dollars) et celui du Ghana (2) à 1840 GHS (230 dollars), près de la moitié des planteurs de cacao ivoiriens vivent en dessous du seuil de pauvreté avec moins de 757 CFA (environ 1,2 dollar) par jour selon La Banque Mondiale (2019). Pire, une étude de l’AFD (2020) estime que leur niveau de vie n’a pas évolué depuis près de 20 ans.
Pour rééquilibrer ce rapport de force entre petits producteurs et multinationales les pays
producteurs de cacao, avec en tête la Côte d’Ivoire et le Ghana, ont statué sur une prime à l’achat de 400$ par tonne. Aussi appelée Différentiel de revenu décent (DRD), cette prime vise à compenser le cours fluctuant du chocolat dont dépendent les cacaoculteurs. Mais les inégalités restent entières.
Si le DRD est bien payé, la prime pays (une autre composante du prix du cacao) a radicalement baissé, de façon à amortir son prix. Les fèves de cacao provenant des pays pratiquant le DRD (Ghana et Côte d’Ivoire) ont ainsi baissé de 500 dollars en moyenne la tonne. « On ne peut pas prétendre vouloir soutenir le revenu du planteur et contribuer à une telle baisse de la prime pays », explique Alex Assanvo, secrétaire exécutif de l’Initiative Cacao Ghana Côte d’Ivoire à RFI.
Comment faire du cacao sans forêts ?
Cette injustice subie par les producteurs de cacao et leur gouvernement a d’ailleurs été soulignée à l’occasion de la COP15 se tenant à Abidjan du 9 au 20 mai dernier. L’occasion d’aborder une autre problématique, connexe, celle de la déforestation. (...)
Les sécheresses dues au réchauffement climatique ont considérablement appauvri les sols, contraignant les producteurs de cacao à étendre leur surface de culture pour conserver des productions suffisantes pour vivre. (...)
Un gouvernement résolu à faire bouger les lignes
Pour préserver les forêts ivoiriennes d’une cacaoculture clandestine et dévastatrice, le ministère des Eaux et des Forêts ivoirien a déployé depuis 2020 un dispositif de surveillance pour traquer et mettre fin à ces activités. Dans le même temps, une cacaoculture durable, plus naturelle et moins intensive, est encouragée. Objectif : booster la rentabilité des cacaoculteurs ivoiriens de 5 % et préserver leurs terres. Ces initiatives sont soutenues par les partenaires de la Côte d’Ivoire, notamment l’Union
européenne, premier importateur de cacao ivoirien.
La Commission européenne prévoit ainsi d’interdire tout cacao issu de la déforestation d’ici 2024, une mesure encourageante à même de favoriser l’émergence d’une filière de cacao durable ivoirienne. Pourtant, en dépit de ces actions, les partenaires européens laissent s’enliser la question des inégalités tarifaires, et ne prennent aucune mesure restrictive à l’encontre des multinationales.
Côte d’Ivoire et Ghana ont d’ailleurs saisi l’occasion de la COP 15 pour inciter les pays
européens à élaborer une définition plus juste du Cacao durable. Autrement-dit, engager des démarches concrètes sur tous les pans relatifs à la durabilité du cacao, donc y compris le pan économique.
Il faut agir maintenant (...)