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le Parisien
Coronavirus : manque de moyens, accès aux soins... la révolte des personnes âgées
Article mis en ligne le 5 avril 2020

« On a décidé de ne pas se laisser faire ! » Au bout du fil, le ton est combatif. « Vous entendez, au fur et à mesure que je vous parle, je suis de plus en plus révolté. » Cette révolte, Paul Benalloul, 81 ans, ne compte pas la contenir. À l’heure où les personnes âgées sont, pourtant, les plus exposées au coronavirus, la vague épidémique est d’une telle ampleur qu’il n’est parfois plus possible de soigner tous les malades. Certains médecins le reconnaissent, ils peuvent être amenés à faire des choix à l’hôpital. Un critère penche dans la balance, celui de l’âge. Et les rares places en réanimation sont parfois réservées aux moins de 70 ou 75 ans dans certains services saturés.

« J’ai bien compris que si j’étais contaminé, je ne serai pas admis en réanimation » (...)

Pour lui et ses amis du même âge, cette douloureuse sélection crée un sentiment d’angoisse. « Autour de moi, certains sont complètement abattus, stressés, ils en perdent le sommeil. »

Que les soignants puissent être amenés à faire des choix durant une telle crise, Paul peut le comprendre, même s’il le déplore. Mais ce qui le révolte, c’est que ce tri soit la lourde conséquence d’un manque de moyens. S’il n’y a pas d’autre solution, qu’à cela ne tienne, le gouvernement doit s’en mêler et poser des règles. C’est ce que réclame aujourd’hui la toute nouvelle association Coronavictimes que Paul a rejointe et qui a décidé de mener une action devant le Conseil d’Etat avec le comité anti-amiante Jussieu, regroupant des personnes atteintes de graves maladies respiratoires.
« Choix macabres »

Toutes deux sont présidées par le lanceur d’alerte Michel Parigot. « En temps normal, on sait bien que tous les patients ne vont pas en réanimation lorsqu’ils sont trop âgés et malades car ils ne pourraient le supporter, explique ce chercheur en mathématiques au CNRS. Mais, pour arbitrer, les médecins se basent sur un examen médical. Avec le Covid-19, c’est tout à fait différent. Les plus âgés n’y vont pas parce qu’il n’y a plus de lits ! »

Leur référé-liberté, une procédure d’urgence, a été transmis au Premier ministre et au ministre de la Santé qui doivent répondre au plus vite, d’ici lundi matin. Le constat est sévère : « choix macabre », « barrage dans l’accès aux soins », « mise en danger de la vie d’autrui », « atteinte à la dignité humaine », peut-on lire. Face à cette « rupture d’égalité », il demande au gouvernement d’encadrer « l’apparition de ces pratiques brutales ». (...)

Fait aggravant, selon Paul, le manque de moyens pour se protéger du virus : « S’il y avait des masques et des tests pour tout le monde, je comprendrais qu’on réanime une personne de 30 ans plutôt que de 80, mais là, ce n’est pas le cas. On nous met en danger alors qu’on ne pourra peut-être pas être soigné. C’est injuste ! » Cet enseignant parisien attend que l’Etat réagisse : « Ce référé, c’est un aiguillon que l’on rentre dans les côtes du pouvoir, il doit se justifier », s’exclame-t-il.

Leur requête ne se réduit pas au tri en réanimation. Selon le texte, les pensionnaires des Ehpad gravement atteints du Covid-19 seraient laissés à la porte des hôpitaux. « On privilégie une mort au sein de l’établissement sauf qu’il n’y a aucune organisation spécifique de l’Etat pour leur garantir une fin de vie sans douleur, des gens vont mourir d’une détresse respiratoire », fustige Michel Parigot, évoquant « un filtrage arbitraire ».