
Un personnel hospitalier obligé d’implorer des masques, des médecins qui recyclent du vieux matériel… La colère monte face à la pénurie de protections contre le coronavirus, dont l’épidémie a tué 148 personnes, selon le dernier bilan paru lundi.
Les masques, particulièrement, font défaut dans les pharmacies et dans les cabinets des médecins de ville. Symbole terrible, Jean-Paul Hamon, président de la Fédération française des médecins de France, qui réunit 2 000 professionnels, était lundi arrêté pour raisons médicales.
Ce mardi, un test a confirmé son infection. « Mon associé et moi sommes touchés, gronde le médecin de Clamart (Hauts-de-Seine). Une remplaçante se fait tester. Je suis fou de rage. Il est invraisemblable d’avoir laissé les pratiquants sans matériel au départ, puis de devoir se protéger avec des masques chirurgicaux reconnus pour être des passoires. » (...)
Des masques devaient être livrés dans les pharmacies ce mardi soir dans les 25 départements les plus touchés. Jeudi au plus tard pour le reste du territoire national. (...)
Lundi toujours, le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, assurait que les soignants allaient récupérer des stocks stratégiques de l’État. (...)
La situation est d’autant plus incompréhensible qu’Olivier Véran, le ministre de la Santé, affirmait le 24 février qu’il n’y avait « aucun problème d’accès à ces masques pour toutes celles et ceux qui en ont besoin ». Un propos aussitôt démenti par le président des Médecins généralistes (MG France), Jacques Battistoni : « « Il n’y a pas de stock de FFP2 (seule protection avérée), Olivier Véran me l’a confirmé lundi. »
Le flou est total. Les pouvoirs publics ont commandé début mars 35 millions de masques. Mais la production patine. Dans les services, on se débrouille. Certains ont ressorti leur masque datant de la crise du H1N1 (2009). D’autres en fabriquent eux-mêmes. (...)
Les consignes apparaissent contradictoires. La pénurie touche les solutions hydroalcooliques. « On l’économise », explique le Dr Hamon. « Du gel, on en a pratiquement plus, abonde Xavier Lambertyn, président d’une association gérant six maisons de garde dans l’Oise, durement touché par le coronavirus depuis le 19 février. Il n’y a plus moyen d’en avoir. Il nous reste le savon. »
Du « bidouillage »
Le médecin explique faire du « bidouillage ». « On est allé acheter des lunettes de protection au magasin de bricolage. On profite de la solidarité des services hospitaliers. »
Xavier Lambertyn a alerté l’Agence régionale des Hauts-de-France depuis mi-février. « Ils m’ont répondu qu’ils ne savaient pas où étaient les masques. J’ai menacé de ne pas ouvrir le cabinet » fulmine-t-il. Dans le même temps, dénonce le médecin, « on conseille aux associations d’aide à domicile, malgré le contact avec des personnes fragiles, de ne pas porter de masques. Alors qu’on sait que, même sans symptômes, on peut être porteur ! »
« Après cette crise, conclut-il, on devra réfléchir aux leçons et les critiques risquent d’être acerbes. »