
Les personnes très âgées qui vivent encore chez elles « ne comprennent pas toujours pourquoi elles n’ont plus autant de visites, et certaines risquent de se laisser mourir », témoigne le docteur Lydie Moronvalle, médecin généraliste en Eure-et-Loir.
(...) Mardi 18 mars, "je suis allée voir une patiente dont la fille n’avait plus de nouvelles depuis la veille. Elle pensait qu’elle ne s’alimentait plus et qu’elle était peut-être tombée. Quand je suis arrivée chez elle, la dame était perdue car elle n’écoute pas les informations et ne comprenait pas pourquoi ses enfants, qui font ses courses et remplissent son frigo, ne venaient plus la voir tous les jours. Elle attendait leur passage pour s’alimenter", témoigne le médecin.
Lydie Moranvalle raconte avoir trouvé sa patiente "sur son lit dans le noir, mais heureusement pas déshydratée et sans signe de traumatisme ou de fracture". Les enfants ont été rappelés en urgence pour faire manger leur maman.
« Des aidants envisagent d’exercer leur droit de retrait »
Depuis que le gouvernement a décrété le confinement pour enrayer l’épidémie de coronavirus, ce médecin généraliste redoute que les personnes âgées isolées, y compris celles qui bénéficient d’auxiliaires de vie pour l’aide à la toilette et à l’alimentation, soient de plus en plus livrées à elles-mêmes.
"Des aidants envisagent d’exercer leur droit de retrait, en particulier parce qu’ils n’ont pas de masques de protection, et parmi le personnel soignant, certaines personnes tombent aussi malades", souligne Lydie Moronvalle. Elle cite encore l’exemple d’une patiente atteinte d’Alzheimer "bien entourée par son fils unique" mais qui souffre d’une pneumopathie et dont l’auxiliaire de vie envisage de faire valoir son droit de retrait.
Face à la crainte d’un isolement croissant, le médecin a alerté la mairie, qui a comptabilisé 222 personnes âgées de plus de 65 ans. (...)
l’isolement, plus important depuis ces derniers jours, "a un impact psychologique qui n’est pas souhaitable". "Certaines personnes âgées ne vont pas mourir du coronavirus mais vont mourir d’autre chose ou se laisser mourir", estime-t-elle, évoquant le "syndrome de glissement".
Selon elle, la crise sanitaire "révèle les failles d’un système déjà très tendu, avec un manque de personnel localement pour la prise en charge des personnes âgées dépendantes". (...)
"Le manque de lien social, la sédentarité sont des facteurs de risque pour la santé qui génèrent une accélération dans la perte des capacités physiques, comme l’équilibre, et cognitives, dès lors qu’il n’y a pas de stimulation", souligne Véronique Cayado, ajoutant qu’"il y a un risque de basculement pour les personnes fragiles vers la perte d’autonomie". (...)
Au Mans (Sarthe), le Centre communal d’action social (CCAS) a renforcé cette semaine son service d’appel "« Téléphon’âge »" destiné à maintenir un "échange de convivialité" pour les seniors isolés. "Les associations et clubs de retraités ont fermé et il y a plus de gens en détresse. Il y a un plus fort risque de dépression et d’angoisse pour les personnes âgées isolées au fur et à mesure qu’elles perdent leurs contacts sociaux", met en garde Franck Forget, du CCAS du Mans.