Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Blogs de Médiapart
Contre le cynisme du monde d’avant, s’attaquer enfin aux champions de l’évasion fiscale
Eva Joly est membre de la Commission indépendante pour la réforme de la fiscalité internationale des entreprises (ICRICT) et ex-députée au Parlement Européen
Article mis en ligne le 28 juin 2020
dernière modification le 27 juin 2020

Pendant la crise, alors que l’Etat est au chevet des entreprises, une bonne moitié des entreprises du CAC 40 devrait verser entre 35 et 41 milliards d’euros de dividendes. Une situation inacceptable. Mais des solutions existent, et il n’y a pas de temps à perdre. (...)

Vous vous souvenez le « monde d’après » ? La pandémie du Coronavirus a semé le deuil dans des centaines de milliers de familles et mis les économies mondiales à genoux ; mais en forçant plus de la moitié de l’humanité à s’arrêter, à se confiner, ce coup d’arrêt nous a également contraint à penser, à rêver à un monde plus juste, égalitaire, moins discriminatoire, plus vert, aussi. Dans ce monde, on reconnaîtrait l’importance de services publics de qualité, après avoir vu le système de santé se battre héroïquement contre le virus, et nos professeurs tenter de poursuivre leur enseignement à distance, malgré l’absence de ressources. D’ailleurs, n’est-ce pas les entreprises même qui ont plébiscité le rôle de l’Etat ces dernières semaines, en implorant des plans de sauvetages et le financement du chômage partiel ? (...)

Pendant la crise, alors que l’Etat est au chevet des entreprises, une bonne moitié des entreprises du CAC 40 devrait verser entre 35 et 41 milliards d’euros de dividendes. Une situation inacceptable. Mais des solutions existent, et il n’y a pas de temps à perdre. (...)

C’ est ainsi qu’Amazon, après avoir doublé ses profits aux Etats-Unis en 2018, n’y payera pourtant pas un seul dollar d’impôt, pour la deuxième année consécutive.
C’est pourquoi, et alors que l’administration américaine vient de faire savoir qu’elle ne veut plus participer aux négociations pour une remise à plat de la fiscalité des multinationales, il est urgent que les pays mettent en place, régionalement ou unilatéralement, des taxes au moins temporaires sur les géants du numérique.
(...)

Quand on se prépare, comme la France, à un recul du produit intérieur brut de 11% et à des licenciements par centaines de milliers – le FMI table sur une récession mondiale de 4,9% – l’austérité n’est plus de mise. Il faut investir dans la santé, l’école, les infrastructures, mais aussi pour soutenir les entreprises, en particulier les plus petites. Mais même si certains gouvernements, notamment en France, font mine d’ignorer qu’il faudra finalement payer la facture, il faut, dès maintenant, se tourner vers ceux qui profitent du système sans y contribuer. (...)

Alors que les projets d’expansion sont limités par l’incertitude et les capacités excédentaires des entreprises, ce ne sont de toutes façons pas des baisses d’impôts qui stimuleront l’investissement privé. Elles priveraient en revanche les Etats de ressources précieuses.
Et pour protéger, et augmenter ces dernières, il nous faut enfin, comme le suggère le rapportde l’ICRICT, faire un gros effort sur la transparence pour débusquer les montants camouflés dans les paradis fiscaux.
(...)

Il n’y a pas de temps à perdre. La crise financière de 2008 nous avait déjà fait rêver d’un monde d’après plus juste, avec les résultats que l’on sait. Perdre cette nouvelle opportunité, alors que les crises sociales, humaines et climatiques se multiplient dans le monde entier, serait impardonnable.