
La grande distribution et les marques tentent d’imposer la mode du « Black Friday » en France. Ce jour-là, les promotions supposées avantageuses poussent les consommateurs à l’achat. Mais écologistes, réseaux de lutte contre les déchets et quelques enseignes ont lancé la résistance à ce grand gaspillage.
« Ce vendredi, je ne peux pas, j’ai Black Friday. » Mieux que le virus de la gastro, c’est le nouvel alibi béton venu tout droit d’outre-Atlantique. Là-bas, le lendemain de Thanksgiving (le quatrième jeudi de novembre) donne le top départ des courses de Noël : à peine remises de la dinde farcie, nombre de familles se ruent alors dans les magasins et sur Internet afin de profiter de promotions présentées comme exceptionnelles. En 2014, près de 134 millions d’États-Uniens ont réalisé leurs achats de fin d’année à l’occasion de cette opération commerciale qui rapporte gros : 50 milliards de dollars de chiffre d’affaires en un jour.
Alléchés par de juteuses perspectives, distributeurs et sites marchands se sont lancés depuis quelques années à la conquête de l’Europe. (...)
ette année, pour ce vendredi 24 novembre, les commerçants sortent le grand jeu. Le web se retrouve inondé d’offres affriolantes tandis que les vitrines des grands magasins rivalisent d’affiches noires estampillées de pourcentages. À les entendre, ce cru 2017 de Black Friday sera exceptionnel, car une chose serait certaine : les Français se seraient convertis.
Pas si vite, répond Flore Berlingen, de l’association Zéro Waste France. « Cette opération commerciale ne fait pas l’unanimité, ni chez les consommateurs ni chez les commerçants, insiste-t-elle. Le matraquage publicitaire nous fait croire qu’il s’agit d’une occasion en or, à ne pas manquer, mais personne n’est obligé de céder ! » Parmi les résistants, le site de vente en ligne Camif.fr, qui restera inactif toute cette journée. (...)
« Nous consommons déjà trois fois plus que ce que la planète peut nous offrir »
Joint par Reporterre, son président directeur général, Emery Jacquillard, n’a pourtant rien d’un décroissant : « Nous ne sommes pas contre la consommation, mais nous refusons la surconsommation. » Malgré un manque à gagner certain pour son site, qui propose près de 40.000 références de produits, le dirigeant préfère fermer boutique afin d’« accélérer la prise de conscience ». Pour lui, ce Black Friday n’est qu’une « folie », symptomatique des contradictions de notre époque : « D’un côté, 15.000 scientifiques nous confirment que nous n’avons que trois ans pour changer de modèle et éviter la catastrophe, et de l’autre, on se retrouve submergé d’offres promotionnelles. Nous sommes sur le Titanic : on va dans le mur, mais on continue de faire la fête. » (...)
Le réseau Envie, qui regroupe une cinquantaine d’entreprises sociales en France spécialisées dans la réparation et le recyclage, espère quant à lui donner une nouvelle utilité à cette journée, rebaptisée « Green Friday ». Les 45 magasins ouvriront leurs portes pour proposer des cours de réparation, des conseils pour économiser de l’énergie ou des ateliers de sensibilisation contre le gaspillage. « Il y a un engouement très fort pour le Black Friday, comme si on ne pouvait faire autrement que d’y participer, constate la présidente du réseau, Anémone Béres. Mais il existe d’autres modes de consommation plus durables. »
Récupérer, fabriquer soi-même, acheter d’occasion… les alternatives ne manquent pas. Afin de fédérer celles et ceux qui n’iront pas aujourd’hui faire chauffer la carte bleue et la planète, l’ONG Zéro Waste France a également lancé une campagne de protestation en ligne, #sansmoi.