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le Monde Diplomatique
Consommateur au labeur
Laurent Cordonnier Economiste, auteur de L’Economie des Toambapiks et de Pas de pitié pour les gueux, Raisons d’agir, Paris, respectivement 2010 et 2000.
Article mis en ligne le 27 décembre 2011
dernière modification le 22 décembre 2011

Les loisirs, ce n’est pas de tout repos. On savait déjà que, lorsqu’il n’est pas « au travail », le travailleur — la travailleuse, surtout — continue d’œuvrer (1). Mais on prête moins attention au fait qu’il consomme et que, en tant que consommateur, il travaille bien souvent gratuitement pour les entreprises ou les administrations... pour finir le travail, justement.

(...) Confronté à toutes sortes de solutions alternatives peu alléchantes, le consommateur trouvera finalement commode de se servir lui-même. L’entretien savamment calculé des queues à la poste, à la gare, à la Sécurité sociale, au supermarché entre sûrement dans l’art consommé du management néolibéral, lequel consiste à faire passer le comportement d’évitement du consommateur pour une marche héroïque vers la liberté de choisir.

Devenu travailleur, le consommateur découvre la productivité. Honte à lui s’il n’a pas la dextérité suffisante pour se montrer un as de la caisse automatique. Il sentira sur sa nuque le souffle silencieux et néanmoins agacé des clients suivants. L’impératif de productivité le poursuit jusqu’à son départ en vacances, lorsqu’il écoute, captivé, cette hôtesse de Delice-Jet lui enseigner la procédure d’auto-enregistrement qui finira par supprimer son emploi. (...)

En fin de compte, à quoi est occupé le consommateur — comme l’est de plus en plus le travailleur ? Il est occupé à vider à la petite cuillère l’océan des défauts de fonctionnement d’une société qu’il faudra bien qualifier un jour de « société de la panne ». Tout ce qui marche, tout ce qui s’accomplit sans trop de difficulté, tout ce qui fonctionne sans heurt, tout ce qui est régulier (normal, routinier, répétitif), tout ce qui « se passe bien », qui « roule », qui « baigne », bref, tout ce qui est susceptible de rencontrer un succès facile, nous l’avons confié aux automates (technologiques ou procéduraux). Or, dans un monde où le registre de l’action humaine s’est largement rabattu sur celui, mortifère, des opérations techniques, en confier la plus belle part (celle des actions qui réussissent) à la machine, c’est mourir avant l’heure. (...)

lire aussi : Le travail du consommateur

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