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Comment « vivre une vie comme tout le monde » quand on est diagnostiqué schizophrène
Ce portrait a été réalisé par le média Sans A_, qui a pour mission de rendre visibles les invisibles et d’encourager à l’action sa communauté. Pour sa 7ème saison, « Fous alliés », Sans A_, grâce à une série de portraits, donne la parole à ceux qui vivent avec un trouble psy. Une saison à découvrir sur www.sans-a.fr
Article mis en ligne le 4 janvier 2018

« coup de folie ». Visions, voix, délires paranoïaques, angoisses. C’est la descente aux enfers. Depuis, il lutte pour remonter à la surface et « vivre une vie comme tout le monde ». Armé d’un optimisme inébranlable et de son éternel sourire, il reconquiert peu à peu tout ce qu’il a perdu. Et a un projet : publier un recueil de poèmes. Le média Sans A, partenaire de Bastamag, l’a rencontré.

(...) A 30 ans, Marco est ainsi entré en schizophrénie comme on entre en religion. De plain-pied. Mais s’il a cru parfois atteindre le septième ciel, il a surtout arpenté l’enfer. Depuis, il s’accommode avec ses voix, ses visions et ses souffrances. « Je ne suis pas schizophrène à la base, lance-t-il déterminé. Bon, ça m’est déjà arrivé de me présenter comme ça : Bonjour, je m’appelle Marco, je suis schizophrène. Mais c’était pour rigoler. Ce que je veux dire, c’est que la schizophrénie, ce n’est pas mon identité. Je m’appelle Marco Dias. » Un homme comme les autres. 40 ans. Séparé. Un enfant. Au chômage. Un homme comme le voudrait la sacro-sainte formule « sans histoire ». Ou presque. (...)

« Trucs de fou »
Ce 4 ou 5 août 2007, alors qu’il frappe le camion sur l’autoroute, les pompiers débarquent et l’emmènent à l’hôpital. Très tôt, une psychiatre diagnostique une schizophrénie. Le point de départ d’une liaison dangereuse avec la maladie. « Ça peut être plaisant quand on est dans un délire. Tous les sens sont éveillés. Vous partez de tous les côtés. C’est surtout l’esprit qui joue. On se sent dans une histoire. Tout vous parle. »

« J’avais l’impression qu’on m’étriquait le cerveau avec un scalpel »

Déterminé à se laisser guider par « le fil du destin », Marco se retrouve dans des situations qui prêtent à rire. (...)

Ma fille, ma bataille

Sa fille dont les photos et les poèmes d’amour couvrent les murs de la chambre de Marco l’a peut-être sauvé. « Elle a plus confiance en moi que moi. Elle me disait des mots et ça m’apaisait. Du genre : "Tu sais papa, faut voir petit. Faut pas trop en vouloir". » (...)

Pendant près de cinq ans, Marco partage ainsi sa vie entre la maison et les séjours psychiatriques. Six ou sept au compteur. Avec à chaque fois un passage en chambre d’isolement. « Vous ne voyez plus la semaine passer. On est tellement shootés. C’est comme une prison. Vous mangez et vous dormez. Y a juste un lit et un lavabo. » Quand il sort de sa quarantaine, il croise dans les couloirs des patients schizophrènes, bipolaires, dépressifs, autistes et même alcooliques. Certains plus perchés que d’autres. Certains plus affaiblis. Trois se suicident à leur sortie. « Ça prouve que c’est vraiment des maladies où vous souffrez beaucoup. De temps en temps, on envie la mort. On veut être soulagé. Mais elle est si belle la vie. Il vaut mieux s’accrocher. »

Faire taire les voix
Malgré ces séjours à répétition, Marco ne parvient pas à prendre ses médicaments. « Je les écrasais dans la nourriture, mais il s’en est rendu compte », sourit sa mère. « J’avais cette impression que ça me tuait parce que bon, en tant qu’homme, on perd l’érection et on a plus de muscles. Ça coupe aussi un peu les émotions », explique-t-il. Et puis, il y a l’égo. « Je me disais que j’étais pas malade, que les choses, je les vivais vraiment et c’était les autres qui ne voyaient pas. J’avais pris la grosse tête. » Finalement, sa frangine le convainc. « Je devais voir un spectacle de ma fille. Ma grande sœur m’a dit : "Arrête tes conneries, pense à Manon. Si t’es comme ça, je t’emmène pas". Et là, je les ai pris. » L’amélioration se fait vite sentir. Terminées les hospitalisations depuis 2012. Un traitement qui ne cesse de baisser. Des voix qui se taisent, des visions qui s’estompent et la peur qui disparaît. Marco a bon espoir de se passer un jour de pilules. « Si on souffre encore, ça permet de ne pas repartir ou de moins souffrir mais y a d’autres réponses que les médicaments. C’est vrai qu’on est vivants, il ne faut pas l’oublier. » (...)

Tout se décante. J’arrive à faire mon ménage et à retrouver un peu la vie. » Marco affiche un grand sourire. Ce sourire plein de confiance et d’optimisme, qui ne le quitte pratiquement jamais.

Son existence a également pris un tournant depuis qu’il se rend au Café curieux. Un groupe d’entraide mutuelle à Morsang-sur-Orge. Chaque après-midi, les personnes souffrant de troubles peuvent se retrouver dans ce lieu pour prendre un verre, échanger, jouer. (...)

A 40 ans, Marco veut regagner son indépendance perdue. Après dix ans à vivre chez sa mère et son beau-père, il vient de retrouver un chez lui. Un 58m2. Ce logement social, il l’attendait depuis trois ans. Heureux certes. Mais l’autonomie a un coût. Marco reçoit chaque mois 889 euros. Une pension d’invalidité. S’il retire la voiture, la mutuelle, le téléphone et le loyer, il ne lui reste plus que 380 euros pour vivre. Car le quadra ne travaille pas. (...)

Depuis sa maladie, toute activité prolongée lui échappe. Faute de patience. « Ma seule passion, c’est la vie », clame-t-il. Et pour améliorer la sienne, il ne demande que « de la compagnie, du partage, des choses simples, juste manger avec quelqu’un ça me fait plaisir. Être ensemble à faire tout ça, c’est canon quand même ! »

Prose combat
Poussé par un éducateur du Café Curieux, il s’est mis à écrire. Des poèmes. Ce qui lui vaut le surnom de Shakespeare par certains. « C’est quelque chose qui était tout le temps là, en moi. Je pense à un livre à chaque fois pour raconter mon histoire. Mais je crois que j’ai pas les mots pour l’expliquer. C’est pas très sensationnel ce que j’écris, c’est des trucs qui m’ont traversé la tête, un petit moment de torture de l’esprit. » Des textes, qu’il aimerait un jour publier (voir la vidéo ci-dessous), et qui résument parfaitement la maladie. Et l’interrogent. (...)