
Daniel Zagury analyse, en praticien, les causes du déclin de la discipline. Et ses conséquences.
Célèbre pour son apport à la clinique médico-légale, ainsi que pour son courage face aux polémiques qui ont déferlé sur lui à propos de ses expertises de grands criminels – Guy Georges, Patrice Alègre, Michel Fourniret et bien d’autres –, Daniel Zagury, psychiatre honoraire des hôpitaux et auteur de nombreux ouvrages, est aujourd’hui un homme en colère. En témoigne le titre de son dernier livre, Comment on massacre la psychiatrie française. Néanmoins, c’est avec rigueur et sans outrance qu’il décrit la situation actuelle. (...)
Non seulement, dit-il, tout va de mal en pis depuis une vingtaine d’années – fermetures de lits ou réduction du personnel soignant, pénurie d’experts –, mais la sottise des classifications issues du fameux Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), contesté dans le monde entier, a eu pour conséquence la réapparition de pratiques d’un autre âge : contentions, maltraitance, etc. Autrement dit, c’est l’abandon de la triple approche de la folie – biologique, sociale et psychique –, au profit d’un étiquetage unique qui a conduit à une dégradation de la discipline : « On a précipité l’effondrement de la psychiatrie intégrative bio-psycho-sociale (…). Ce qui est condamnable, ce ne sont évidemment pas les neurosciences (…) mais la prétention à l’hégémonie et à l’exclusivisme de n’importe lequel des composants du champ psychiatrique. » (...)
Désastre organisé
Daniel Zagury montre également que l’introduction, en 2009, de la loi HPST (Hôpital, patients, santé, territoire) a accentué ce désastre organisé. Elle a en effet privé de pouvoir les chefs de service hospitalier en permettant que toutes les décisions soient prises par des « manageurs » chargés de surveiller les bonnes et les mauvaises pratiques, à coups de procédures rédigées en langue de bois : une infernale « bureaucratose », fondée sur la gestion des budgets. Le résultat étant qu’un professeur de médecine doit désormais passer un temps infini à compter les crayons et le papier hygiénique qu’il utilise dans son service au détriment de la relation avec les patients.
Les malades mentaux sont désormais classés en deux groupes : les dangereux et les autres. Soit un véritable déni de la clinique (...)