
Discours prononcé lors du Séminaire international “Alternatives à l’impérialisme financier et aux fonds vautours”, à Caracas (Venezuela), le 12 août 2014 |1|.
(...) les fonds vautours sont la version extrême du capitalisme financier. La version extrême, c’est-à-dire qu’ils sont l’avant-garde, suivie des bataillons, qui ont pour nom Goldman Sachs, Santander, J.P. Morgan, BBVA, City Bank, etc.
La sentence du juge Griesa est une tentative visant à faire rétrocéder l’Amérique latine à la situation qui prévalait à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle, quand les Etats-Unis et d’autres créanciers avaient la possibilité d’intervenir de manière directe pour forcer le paiement de la dette. (...)
Dès lors, c’est un défi majeur de la part des organisateurs d’avoir porté au programme de ce forum la Doctrine Drago |2| en tant qu’alternative. Effectivement, c’est un élément important. En quoi consiste la Doctrine Drago ? Le ministre des Affaires étrangères Elías Jaua a déjà mentionné et souligné l’apport de Drago lors du conflit qui opposa le Venezuela à ses créanciers en 1902 |3|.
On trouve en fait deux doctrines : la Doctrine Drago et la Doctrine Calvo |4|, qui tirent toutes deux leur nom de juristes argentins. Calvo, qui émit en premier la doctrine, pose qu’en cas de conflit avec des investisseurs étrangers, les pays d’Amérique latine doivent recourir à leur juridiction nationale et ne peuvent pas transférer à la justice des États-Unis ou d’autres pays la compétence de régler un différend.
Drago, ministre argentin des Relations Extérieures en 1902, se saisit de la Doctrine Calvo dont il reprit une partie et ajouta l’interdiction du recours à la force militaire pour obtenir le paiement d’une dette externe. Cela souleva à l’époque tout un débat diplomatique car les États-Unis s’opposaient évidemment fermement tant à la Doctrine Drago qu’à la Doctrine Calvo. Dans les années vingt et trente, les pays d’Amérique latine ont néanmoins commencé à adopter et transposer dans leurs Constitutions nationales des éléments des Doctrines Drago et Calvo.
A partir des années quatre-vingt, l’offensive néolibérale a consisté à détruire l’application de ces doctrines à travers le sous-continent. (...)
En termes d’alternatives, je pense qu’il est également important de convaincre d’autres pays d’Amérique latine de suivre l’exemple de la Bolivie, du Venezuela et de l’Equateur, qui ont décidé de se retirer du CIRDI, le tribunal de la Banque mondiale |5|. Ces trois gouvernements, la Bolivie en tête en 2008, ont décidé de ne plus faire partie du tribunal de la Banque mondiale pour le règlement des différends en matière d’investissements. Ce serait un excellent signal pour l’Amérique latine qu’un pays comme l’Argentine prenne cette décision. Le Brésil n’a pas reconnu la compétence du CIRDI. Le Brésil est peut être le pays d’Amérique latine qui, par tradition en tant que super-puissance régionale, affirme le plus sa souveraineté et signe peu de traités qui prévoient le transfert de sa souveraineté vers d’autres juridictions.
En outre, comme l’a souligné Luis Bilbao |6|, aborder la question des fonds vautours nous oblige à aborder la question de la dette externe. Une dette externe qui est en grande partie illégitime. (...)