
Les premiers jours de l’administration Trump ont été marqués par la volonté de prendre le contrôle, y compris par l’intimidation, du paysage politique américain.
La comparaison peut sembler outrancière. Elle n’en reste pas moins pertinente. La première semaine de pouvoir de Donald Trump ressemble, dans un contexte bien sûr différent, à la façon dont Adolf Hitler, devenu chancelier de la République allemande le 30 janvier 1933, a ensuite rapidement « aligné » l’appareil d’État sur l’idéologie nazie.
Le processus d’« alignement », de « synchronisation », se dit en allemand Gleischschaltung. Il est décrit ainsi par un article de Der Spiegel, publié en 2013 à l’occasion du 80e anniversaire de la prise du pouvoir par Hitler : « Imposer la conformité politique dans tous les secteurs de l’économie, aux entreprises commerciales comme dans les médias, la culture et l’éducation ».
Et les premiers jours de l’administration Trump témoignent bien d’une volonté de prise de contrôle de l’appareil d’État et du paysage politique.
L’intimidation des médias
Cela s’est déjà traduit en moins d’une semaine, comme le résume Quartz, par la limitation et le contrôle des communications des fonctionnaires fédéraux ; par l’annonce de la publication hebdomadaire d’une liste des crimes commis par les immigrés en situation irrégulière ; par la menace de couper le financement des villes qui ont annoncé vouloir être des sanctuaires pour les immigrés ; par l’interdiction d’entrée sur le territoire américain de citoyens et de réfugiés de sept pays musulmans et par le retrait imposé à l’agence fédérale de l’environnement de son site d’éléments démontrant la réalité du réchauffement climatique. La même agence a également suspendu tous les financements et contrats de scientifiques et instituts de recherche avant leur « évaluation ».
Cela ne s’arrête pas là. La Maison-Blanche a annoncé le lancement d’une enquête sur la fraude électorale pendant l’élection présidentielle. Celle-ci n’a aucun fondement mais lui permet d’« expliquer » pourquoi Donald Trump a perdu le vote populaire de près de 3 millions de voix contre Hillary Clinton. Enfin, l’intimidation et la dénonciation des médias qui contestent les mensonges de l’administration Trump sont devenues systématiques.
En un mot, tout est fait pour que le paysage politique américain soit aligné avec la vision du monde et de la « réalité alternative » du nouveau Président. La logique s’apparente bien à celle du Gleischschaltung.
La démocratie américaine n’a évidemment rien de comparable avec la République de Weimar. Elle a une histoire, une légitimité, des institutions et des contre-pouvoirs autrement plus solides. L’Allemagne de 1933 était traumatisée par la défaite de 1918, par une profonde instabilité sociale, par la dépression économique et par une défiance vis-à-vis de la démocratie jugée impuissante et née de la « trahison » de l’empire. « Les Etats-Unis n’ont rien en commun avec les sociétés où nous savons ce qui se passe quand la politique s’effondre, y compris l’Europe des années 1930… », explique David Runcimann, professeur de sciences politiques de l’Université de Cambridge, dans la London Review of Books. « L’Amérique contemporaine est bien plus prospère que les autres Etats où la démocratie a échoué… »
D’une société ouverte à une société fermée
Pour l’universitaire Francis Fukuyama, auteur du célèbre livre La Fin de l’histoire et le Dernier Homme, publié en 1992, les institutions américaines sont suffisamment solides pour résister, même si Donald Trump est le président le plus dangereux pour la démocratie de toute l’histoire des Etats-Unis.
Mais comme l’écrit George Soros, ce qui se passe aujourd’hui à Washington n’est certainement pas business as usual. Ce n’est pas la routine d’un changement d’administration et d’une passation de pouvoir. C’est d’une toute autre nature. (...)