
Une allocation chômage de 9 euros par jour après avoir travaillé à plein temps au Smic… Cette situation ubuesque est loin d’être isolée et concerne des dizaines de milliers de demandeurs d’emploi. Elle est le résultat de l’entrée en vigueur des « droits rechargeables » : ils devaient permettre aux chômeurs les plus précaires, navigant entre CDD et intérim, de bénéficier de l’ensemble des droits ouverts par leur carrière professionnelle. Ils se sont transformés en calvaire. Enquête.
Depuis le 1er avril dernier, un choix cornélien, digne d’une mauvaise plaisanterie, s’offre à certains demandeurs d’emploi : ils ont la possibilité de renoncer à de nouveaux droits leur procurant pourtant une durée d’indemnités chômage plus longue. Il est même très probable que beaucoup adoptent cette solution. Ce « droit d’option » pourrait leur permettre de retrouver une allocation chômage décente, proportionnelle à leur dernier salaire.
Tout avait pourtant commencé par un véritable progrès. Dans son article 10, la loi de sécurisation de l’emploi votée en 2013 prévoyait la mise en œuvre de « droits rechargeables ». Leur principe était simple : plus une personne travaillait, plus elle accumulait de droits à l’assurance-chômage. Ainsi, un demandeur d’emploi qui acceptait un poste sur un temps court ne perdait pas ses droits précédents, et pouvait y recourir plus tard. L’objectif affiché était de sécuriser les chômeurs aux parcours complexes, composés de CDD et de missions d’intérim : les droits rechargeables les autorisaient à travailler pendant de courtes périodes sans craindre de perdre leurs anciennes allocations.
« L’assistante sociale est dépitée pour moi »
Ces « droits rechargeables » auraient clairement pu être classés dans la catégorie des avancées sociales… du moins jusqu’à leur application. Les nouveaux chômeurs se voient dorénavant attribuer leurs allocations chronologiquement. Le droit correspondant à la période de travail la plus ancienne est alloué en premier. Si vous avez commencé par un mi-temps pour ensuite travailler à plein temps, avant de vous retrouver au chômage, vous percevrez une allocation correspondant au temps partiel initial, donc bien inférieure. « Le problème ne vient pas des droits rechargeables mais du non épuisement des droits », explique Pierre-Edouard Magnan, délégué fédéral du Mouvement national des chômeurs et des précaires (MNCP). Lorsqu’ils disposent d’un droit à allocations, les chômeurs sont contraints de le consommer jusqu’au bout… même quand il s’agit d’une allocation de 500 euros pendant plus d’un an, alors que l’indemnité suivante se chiffre à 900 euros. (...)