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Non-Fiction
Comment la culture a fait évoluer nos gènes
Article mis en ligne le 16 septembre 2020
dernière modification le 15 septembre 2020

Les progrès scientifiques concernant l’ADN permettent de mesurer l’influence de la culture sur l’évolution génétique. Comme tels, ils renseignent aussi l’anthropologie et l’histoire.

C’est à une aventure palpitante, celle de l’ADN, que nous convie, dans une langue claire et accessible à tous, Evelyne Heyer, professeure en anthropologie génétique au Muséum national d’histoire naturelle. L’ouvrage, qui vient après Nous et les autres. Des préjugés au racisme et On vient vraiment tous d’Afrique ?, tous deux écrits avec une historienne de renom, Carole Reynaud-Paligot, se propose d’évaluer l’effet de la culture sur notre évolution génétique.

Comment d’une poignée de sapiens errant dans la savane, l’espèce humaine est devenue l’espèce dominante en seulement quatre millions d’années ? C’est d’abord à cette question que le livre se propose de répondre dans des chapitres brefs au cours desquels l’homme se sépare d’avec les chimpanzés (et, malgré la proximité génétique, E. Heyer ne nie pas la spécificité humaine, à savoir la bipédie totale, un grand cerveau et un langage complexe), sort d’Afrique (car, quelle que soit la définition de sapiens, les premiers d’entre eux sont bien tous africains), rencontre Néandertal (ce sont d’ailleurs plutôt, explique l’autrice, les femmes sapiens et les hommes néandertaliens qui procèdent à ce métissage), colonise l’Australie, arrive en Europe, découvre l’Amérique (non en 1492, mais vers -15 000 ans), invente l’agriculture et l’élevage, se met à boire du lait, domestique le cheval et débarque en Polynésie. Nous voilà déjà arrivés à l’âge de la domination (Xe siècle) (...)

nous savons désormais, grâce à l’informatique et aux techniques d’amplification de l’information génétique, faire « parler » l’ADN de nos ancêtres les plus lointains. Les formidables progrès réalisés, notamment depuis le séquençage total du génome humain (en 2001), ont permis de connaître les 3 milliards de paires de bases qui le composent. C’est l’agencement de ces bases qui permet d’en dire le sens, comme l’agencement des lettres d’un texte forme des mots. (...)

« Ce ne sont pas les différences génétiques qui sont la cause des différences culturelles, mais l’inverse » (...)

Il est, par conséquent, infondé de recourir à l’ascendance biogéographique pour dégager une supposée réalité biologique de la « race ». Ce « paradigme sociogénomique » (selon l’expression de Catherine Bliss), qui se fonde sur l’existence de populations ancestrales homogènes et clairement délimitées, ne pourrait être pertinent que si nous pouvions avoir accès à ces populations ancestrales.

Ce retour de la race comme catégorie génétiquement identifiable cherche certes des justifications dans la volonté, en décodant le génome
, de réduire les inégalités de santé, et ainsi de contribuer à plus de justice sociale. Il a pourtant tout d’une chimère, les généticiens se montrant incapables de lever l’ambiguïté conceptuelle autour d’une notion dont l’usage, quelles que soient les précautions prises, possède des effets métaphoriques sans doute non maîtrisables.

Puisse la leçon citoyenne d’E. Heyer, celle qui pouvait déjà être dégagée de la magnifique exposition du Musée de l’homme « Tous parents/Tous différents » dont elle était, avec C. Reynaud-Paligot, commissaire scientifique, être méditée en ces temps de renaissance du culte obscur des racines.