
La vue n’est pas le sens le plus indispensable pour connaître la forêt. L’association La Cité de l’arbre propose des visites de la forêt de Fontainebleau aux personnes en situation de handicap visuel ainsi qu’aux « valides » dont la vue est occultée. Dans le noir, les autres sens se mettent en éveil.
(...) Des agents de l’Office national des forêts (ONF) mènent les nouveaux visiteurs à l’entrée du site « Arbor & sens » : ce parcours d’un kilomètre et demi, ouvert en 2016, permet aux personnes aveugles et malvoyantes de se promener en autonomie, grâce notamment à un fil d’Ariane — un câble métallique qui serpente à travers les arbres. Les bien-voyants sont invités à se bander les yeux, « pour découvrir le bois autrement ». (...)
Plongés dans le noir, les autres sens se mettent en éveil. Les pieds palpent précautionneusement les aspérités du sol. Trous et monticules prennent l’allure d’obstacles insurmontables, transformant le sentier en parcours d’aventure. Mais ce sont surtout les odeurs qui chatouillent nos narines ranimées. Ici, le parfum rafraîchissant de l’eucalyptus, là l’effluve résineux et acidulé du thuya.
« Chaque arbre a une écorce différente, correspondant à une stratégie bien précise »
Plus loin encore, Guy Simonin cueille une branche de buis. « Elle sent le vin blanc... ou même le pipi de chat ! » s’exclame un participant. « Exactement, ces molécules, généralement contenues dans les tanins, permettent aux arbres de communiquer et de se défendre, précise le guide. Par exemple, le pin Douglas produit une senteur de citronnelle qui éloigne les insectes ravageurs. Beaucoup de plantes ont d’ailleurs recours à ce parfum citronné : la verveine, le géranium, la menthe... » Les odeurs secrétées par les arbres ont donc comme principale fonction de refouler insectes et brouteurs : c’est pourquoi les bourgeons appétissants sont généralement plein de tanins, amers et désagréables au goût.
Mais ces molécules chimiques servent également de moyens de communication entre les arbres. (...)
Les lichens, symbiose entre un champignon et une algue, se nourrissent grâce à l’eau de pluie. Ils sont donc très dépendants de l’air ambiant et de la qualité des eaux de pluie, elle-même révélatrice d’une qualité de l’air. « Il y a vingt ans, on ne trouvait presque aucun lichen dans Paris. Aujourd’hui, ils se développent dans la capitale, c’est bon signe. » (...)
Les champignons décomposent la matière organique, et fournissent les arbres en sels minéraux. Sans eux, pas de vie sur Terre ! » Mais ce n’est pas tout : certains de ces champignons participent d’un réseau de communication souterrain entre plantes, « une sorte d’internet végétal composé de minces filets de champignons que l’on appelle mycélium », précise le guide.(...)