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Orient XXI
Comment Bahreïn contourne ses responsabilités en matière de droits humains
Article mis en ligne le 21 septembre 2017

Le Bahreïn sera soumis ce week-end à l’examen périodique universel organisé par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, chargé de passer en revue ses réalisations en faveur des droits humains. Le gouvernement de ce pays, qui pratique la torture et a multiplié les exécutions, s’est soigneusement préparé, avec l’aide de fausses ONG et le soutien d’experts en communication occidentaux.

(...) Bahreïn avait jusqu’à septembre 2017 pour répondre aux recommandations qui lui avaient été adressées en mai. Compte tenu des événements de janvier 2017, il n’est pas surprenant que ces recommandations aient insisté sur l’abolition de la peine de mort. Pas moins de seize pays ont conseillé l’abolition ou un moratoire sur cette pratique. La question de la peine de mort à Bahreïn est une préoccupation permanente, mais l’année 2017 a été l’une des plus meurtrières de son histoire en termes d’exécutions.

EXÉCUTIONS EXTRAJUDICIAIRES (...)

Pour des pays comme Bahreïn qui ont un long passé de violations des droits humains, on pourrait s’attendre à ce que ce l’UPR soit éprouvant, or les États autoritaires et leurs alliés sont souvent innovateurs lorsqu’il s’agit de contourner les mécanismes favorisant la responsabilisation. Pour un pays aussi petit, Bahreïn dispose d’un nombre inhabituellement élevé d’ONG de défense des droits humains, dont beaucoup pratiquent le blanchiment des violations de ces mêmes droits humains.

Ces ONG soumettent des rapports dans le cadre de la préparation de l’EPU. Cependant, nombre d’entre elles sont des organisations non gouvernementales… organisées par le gouvernement (Government-organized non-governmental organizations, « Gongos »). Elles fournissent un mince vernis de crédibilité à la société civile dans une tentative de légitimer le bilan de leurs gouvernements en matière de droits fondamentaux. À Bahreïn, ces organisations comprennent la Bahrain Human Rights Watch Society et le Manama Center for Human Rights. Leurs rapports brillent par l’absence de critiques substantielles du régime. Ils se concentrent plutôt sur des recommandations largement apolitiques, comme celle de modifier le Code pénal afin que les femmes enceintes ne puissent pas être exécutées, par exemple.

Un rapport national est également soumis. Dans de nombreux pays, cela se fait par le biais d’une consultation attentive et appropriée avec de nombreuses organisations légitimes de la société civile. Toutefois concernant Bahreïn, où les ONG critiques à l’égard du gouvernement sont souvent en exil, l’organe responsable est l’Institut national pour les droits de l’homme (National Institute for Human Rights, NIHR). Cette institution créée en 2009 a été critiquée par des groupes tels que le Bahrain Center for Human Rights pour un certain nombre de raisons, mais surtout parce que ses onze membres sont nommés par le roi et n’ont par conséquent aucune indépendance.

LA PEINE DE MORT OUBLIÉE

Si l’omission ou le fait de cacher les violations des droits humains est déjà en soi une forme virulente de censure, les « Gongos » vont parfois plus loin en soutenant ouvertement des actions qui enfreignent les normes internationales en matière de droits fondamentaux. (...)

C’est aussi une occasion de confrontation et d’intimidation. Alors que le gouvernement accorde plus d’attention aux défenseurs des droits qui s’engagent dans cette diplomatie para-étatique à Genève1, il restreint la liberté de circulation des ONG de défense des droits humains, décrétant des interdictions de voyager pour ceux qui sont soupçonnés de se rendre à Genève, ou organisant des audiences judiciaires publiques aux dates des sessions de l’UPR.

MENACES PERSONNELLES CONTRE LES DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS (...)

Parvenir à contourner toute responsabilité est une performance qui s’étend de Genève à Bahreïn. La manière dont le régime tente de « jouer » sur ces mécanismes tend à souligner plutôt qu’à masquer les violations des droits fondamentaux. Bahreïn compte également sur des alliés influents pour lui fournir une couverture politique sur la scène internationale.

Les liens d’amitié avec le Royaume-Uni, ainsi que la récente élection de Donald Trump, ont une résonance particulière à Bahreïn et permettent sans doute la poursuite des violations des droits humains. (...)

Ajoutons à cela que la « réforme » des régimes autoritaires est un business juteux. Récemment, on a découvert que le College of Policing du Royaume-Uni avait gagné environ un demi-million de livres en formant la police de Bahreïn. Le ministère de l’intérieur britannique s’est justifié en affirmant qu’une telle formation ne pouvait que faciliter la réforme judiciaire et améliorer le respect des droits de l’homme.

Malgré ces protestations, le dernier rapport d’Amnesty International sur Bahreïn, publié le 7 septembre dernier se résume à une longue liste de violations des droits humains. Il montre comment la répression du régime contre toute forme de dissidence s’est intensifiée depuis 2016. 2017 a été l’une des années les plus meurtrières jamais enregistrées à Bahreïn. (...)

L’autoritarisme est une machine tentaculaire de grande envergure, et Bahreïn s’est adapté aux mécanismes internationaux conçus pour lui demander des comptes. En ce qui concerne les dernières recommandations, il ne fera probablement pas grand-chose pour régler des questions telles que la peine de mort. Mêmes si certaines recommandations sont officiellement adoptées le rapport de suivi des organisations de défense des droits humains, confirme que la plupart d’entre elles n’ont jamais été mises en œuvre.