
Si des avancées législatives significatives ont été conquises en Colombie pour les droits des femmes, ces dernières sont encore victimes de violences, d’assassinats et confrontées à de multiples formes de discriminations sociales et économiques. Une situation exacerbée par un conflit armé long de cinquante ans.
« La situation des femmes en Colombie est très grave », dénonce Kelly Echeverry, membre de l’association Vamos Mujer, partenaire du CCFD-Terre Solidaire. Pour elle, le sort des Colombiennes est indissociable du conflit armé. Tout d’abord, parce que les femmes et les enfants sont les principales victimes des déplacements forcés. Entre 1995 et 2011, plus de 2,7 millions de femmes ont été déplacées de force (16 % d’entre elles se sont déclarées victimes de violences sexuelles). Ensuite, parce que les violences faites aux femmes évoluent avec la nature du conflit. « Aujourd’hui, par exemple, les violences sont bien plus importantes qu’il y a dix ou vingt ans, notamment en raison des cartels de Medellin. Une guerre silencieuse s’est installée », déplore-t-elle. (...)
Les violences se sont banalisées dans l’inconscient collectif. On n’en parle pas, comme si elles n’existaient pas, petit à petit la société s’habitue à un état de fait. « Dans aucun pays, il ne devrait être considéré comme normal de violer ou d’assassiner une femme », s’insurge-t-elle. En outre, plus de mille femmes ont été assassinées en 2014. Ce phénomène du « féminicide » est en augmentation. « Les mentalités restent très patriarcales, explique Walter Prysthon, chargé de mission Amérique latine au CCFD-Terre Solidaire, et le conflit exacerbe cette situation. La violence est la norme. Les hommes ont cette image de l’exercice de la force dans le conflit armé, ils la reproduisent dans les relations conjugales et familiales. »
Mais, si on laisse de côté le conflit armé, la société colombienne demeure une société machiste, comme ceci est d’ailleurs le cas dans nombre d’autres pays, notamment d’Amérique latine. Un constat partagé par Anna Schmit, doctorante en anthropologie à l’École des hautes études en sciences sociales. Et les inégalités se retrouvent à différents niveaux. (...)
De nombreuses lois ont été votées mais un fossé persiste entre les textes et leur application. « Cette abondance de lois n’a pas eu les effets attendus », regrette un groupe d’organisations de la société civile colombienne dans un rapport rendu en 2013 au Comité de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes des Nations unies [3]. (...)
Une situation si préoccupante et un manque de volonté politique si flagrant, que même le clergé s’en est inquiété. En mars 2011, les évêques colombiens appelaient déjà à un changement des mentalités. (...)