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Rue 89
Cisjordanie : à Hébron, ville de l’apartheid, l’absurde au quotidien
Article mis en ligne le 21 juin 2013
dernière modification le 16 juin 2013

(...) Bienvenue à Hébron, 200 000 habitants arabes palestiniens, 500 habitants juifs ultra-fondamentalistes majoritairement américains. Et environ 2 000 soldats de l’armée israélienne, armés jusques aux dents, stationnés en permanence dans les quartiers-clés du centre historique pour assurer la protection des habitants juifs.

(...) L’histoire, ce n’est pas ce qui manque à cette région qui a vu fleurir les plus anciennes villes au monde et, pour son malheur, les principales religions monothéistes du globe. La ville de Hébron affiche allègrement 4 000 ans d’existence au compteur, et un nombre incalculable d’atrocités en tout genre, alors pardonnez-moi si on n’entre pas trop dans les détails.

Le premier « événement » – il conviendrait de parler de mythe, mais passons – qui ait encore une importance cruciale de nos jours s’y serait produit au XIXe siècle avant notre ère, soit il y a environ quarante siècles.

A cette époque, selon une légende tenace, un immigré mésopotamien connu sous le nom d’Abraham y acheta un champ et une grotte à un cultivateur cananéen pour y enterrer Sarah, son épouse récemment décédée à 127 ans.

Au bout du compte, Abraham s’y fait inhumer à son tour. Par la suite, son fils Isaac en fait de même, ainsi que son petit-fils Jacob, et leurs épouses, Rebecca et Léa. Si vous n’avez pas trop bâillé aux corneilles pendant vos heures de catéchisme, d’instruction coranique ou de yeshiva rabbinique, vous aurez sûrement reconnu là des personnalités bibliques de premier plan.

Vous aurez aussi compris que ce cimetière éminemment people, désormais connu sous le nom de « Tombeau des Patriarches », est en raison de sa forte concentration de sépultures VIP l’un des lieux les plus saints de la religion mahométane et du judaïsme. (...)

Les soldats sont partout. Avec leurs treillis kakis, par ce temps, on distingue juste leurs silhouettes vertes armées d’impressionnants fusils. Vigne, oliviers, uniformes kakis : voici le triptyque ultime de la flore locale, dans les bucoliques vallées de la Judée occupée (« territorialement contestée », selon la terminologie du camp opposé).

Nous sommes, selon notre guide, sur l’une de ces routes « partagées », ouvertes à tous, Palestiniens comme Israéliens. Il attire notre attention sur des panneaux en arabe et en hébreu, qui rappellent aux automobilistes que ces routes partagées « promeuvent la coexistence, et donc la paix ».

Notre méconnaissance des langues d’affichage nous oblige à le croire sur parole. Il poursuit :

« Pendant la deuxième Intifada, cette route était la plus dangereuse de toute la Palestine. Il n’était pas rare que vous vous fassiez dégommer à coup de mitraillette par les occupants des véhicules venant en sens inverse. »

Alors que nous méditons ces graves paroles et tentons d’imaginer ce que doit être le quotidien lorsque l’on craint de se faire mitrailler par chaque voiture que l’on croise sur la route, nous tournons à une intersection et Ammar s’arrête brièvement pour nous permettre de lire ce panneau, bien visible par tous les temps :

« Cette route mène en Zone A sous autorité palestinienne. L’accès est interdit aux citoyens israéliens et contraire à la loi israélienne. Danger de mort. » (...)