
L’instruction dénonce, notamment, l’inaction des services de l’Etat dans la question du contrôle des stocks après l’interdiction officielle du produit, en 1993, en Guadeloupe et en Martinique.
L’ordonnance de non-lieu rendue le 2 janvier dans le scandale du chlordécone, ce pesticide utilisé aux Antilles dans les bananeraies, a écarté toute responsabilité pénale, après seize ans d’instruction. Elle dénonce pourtant les acteurs de ce drame qui a empoisonné les hommes et l’environnement. (...)
C’est le 8 avril 1981, rappelle l’ordonnance, que le service de la protection des végétaux du ministère de l’agriculture reçoit une demande des Etablissements Laurent de Laguarigue, entreprise de produits phytosanitaires, pour homologuer le Curlone (composé de 5 % de chlordécone) dans la culture des bananiers, afin de lutter contre le charançon. A l’époque, « les établissements, dirigés par Yves Hayot, ont obtenu une autorisation provisoire pour le Curlone sans présenter de dossier sur les conséquences environnementales, ni même produire de dossier toxicologique ». Pis, « l’autorisation a pu être utilisée jusqu’en 1986 sans examen des instances ministérielles compétentes ». Et l’homologation l’a été « sous la pression du lobby des grandes organisations de planteurs, sur la base d’arguments plus économiques qu’agronomiques ».
Des rapports avaient pourtant déjà alerté sur les dangers de la substance (...)
Le Curlone, formulé par la société Calliope de Port-la-Nouvelle (Aude) à partir de chlordécone importé du Brésil, ne devait plus être utilisé à partir de 1990. Mais un intense travail de lobbying, décrit dans l’ordonnance, a été entrepris auprès des administrations et des politiques pour le prolonger. « Dans leur campagne pour maintenir l’homologation du Curlone, les professionnels de la banane ont trouvé un soutien non négligeable auprès de l’Institut de recherches sur les fruits et agrumes (IRFA), une section du centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD). Jacques Bourdin, ingénieur à l’INRA [Institut national de la recherche agronomique], a expliqué que l’IRFA était en fait un institut technique privé, en relation directe avec les industriels et les producteurs locaux. » (...)
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– (Reporterre)
Scandale du chlordécone : la justice prononce un non-lieu
Dans leur ordonnance de non-lieu, les magistrates instructrices ont certes reconnu un « scandale sanitaire », mais ont estimé qu’il était trop difficile de « rapporter la preuve pénale des faits dénoncés ». Dans ses réquisitions, le parquet de Paris avait considéré en novembre 2022 que les faits étaient prescrits ou non caractérisés. (...)
Dans une autre procédure judiciaire, le tribunal administratif de Paris a reconnu, le 27 juin 2022, les services de l’État coupables de « négligences fautives » pour avoir permis la vente d’insecticides contenant du chlordécone, et pour avoir poursuivi leur vente « au-delà des délais légalement prévus ». Le tribunal a toutefois refusé d’indemniser les plaignants.