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Ligue des Droits de l’Homme
Chine : derrière la crise sanitaire, déploiement international et répression intérieure
Bulletin « Les droits de l’Homme en Chine » n°132 – mai 2020
Article mis en ligne le 11 mai 2020

En ce milieu de printemps chinois, la fièvre qu’avait provoqué l’étrange pneumopathie du coronavirus est retombée. Les morts sont moins nombreux. Le Parti annonce pour les 21 et 22 mai la réunion de la Conférence consultative et dle l’Assemblée populaire ; le retard sur l’agenda (5 mars) ne sera que de deux mois et demi. Le régime ne craint plus de contagion à Beijing pour ses cinq mille délégués et, officiellement depuis deux semaines, la capitale ne note aucun cas de contamination, ni locale ni par importation

Il ne s’agit cependant pas d’un retour à la normale. Le confinement, l’interruption des échanges, les fermetures d’usines privées de main-d’œuvre ont entamé l’appareil productif, réduit les revenus, contracté la consommation. Selon le Bureau des Statistiques, les profits industriels auraient diminué de 48% dans les deux premiers mois de l’année. Selon le journal Caixin, les profits des entreprises d’État auraient chuté de 58,8% au premier trimestre. Le chômage a beaucoup augmenté dans les petites entreprises et les boutiques de quartier ; il frappe aussi la population particulièrement vulnérable des migrants venus des campagnes et privés de certificat de résidence urbaine, qui n’ont guère les moyens de se défendre devant un patronat effrayé par la perte de ses marchés.

A Wuhan, la capitale du Hubei, on continue de soigner des malades. Leur nombre a diminué mais l’on trouve de nouveau des porteurs de virus sans symptômes et contagieux. Les écoles n’ont pas rouvert dans toutes les grandes villes. La méconnaissance persistante quant à la dangerosité réelle du virus, le doute maintenu sur les chiffres officiels de décès s’ajoutent à la crainte d’une seconde vague épidémique pour entretenir un climat d’incertitude. Ce dernier persistera en l’absence de vaccins et de médications, qui ne viendront pas avant des mois.

L’épidémie mondiale a partout donné priorité aux affaires de Santé publique ; l’attention s’est détournée entre temps des grands problèmes posés par le régime chinois, tant sur le plan intérieur que sur la scène régionale et internationale. (...)

Or les changements amorcés ces dernières années par le pouvoir chinois se sont accélérés depuis un semestre et dans le cours même de la crise sanitaire. Il s’agit d’un ensemble diversifié mais cohérent, avec un effort renouvelé d’influence sur les institutions internationales, un contrôle réaffirmé de la population et des voix dissidentes, une progression dans la maîtrise militaire de la Mer du Sud et un passage un peu inattendu à une diplomatie de l’insulte et du défi, laquelle n’est pas sans rappeler les vitupérations de la guerre froide. (...)

Menace sur la défense des droits de l’Homme à l’ONU

Les Nations unies n’offrent pas un cadre très confortable au régime chinois, du moins dans le domaine des principes. Il ne figure pas parmi les fondateurs (la Charte est signée et ratifiée en 1945 par la République de Chine) et a dû prendre en compte, après le vote d’admission d’octobre 1971 et son entrée au Conseil de Sécurité, toute une série de principes que par son essence même il rejette, et notamment l’existence de valeurs universelles. Mais les réalités de l’Organisation, ses difficultés de fonctionnement, ses tensions internes, les majorités de circonstances qui peuvent se former au sein de l’Assemblée générale donnent à une Chine devenue grande puissance industrielle de nouveaux moyens d’exercer son influence. Elle peut aussi tirer parti de la distance prise envers l’ONU par les États-Unis pour étendre son rôle et y faire prévaloir ses conceptions. Son ascendant sur l’Organisation mondiale de la Santé a permis la tacite approbation par l’OMS de l’aveuglement de l’hiver, lorsque les autorités du Parti niaient la menace de pandémie, faisaient taire les lanceurs d’alerte et se refusaient à prendre en compte les avertissements adressés dès janvier 2020 par Taïwan. L’île avait perçu très vite les dangers du virus, s’était organisée en conséquence, ce qui en a fait un modèle dans le combat contre l’épidémie. Si l’OMS n’a pas écouté ses experts, c’est que sa précédente directrice, la Chinoise Margaret Chan, avait retiré à Taïwan son statut d’observateur après l’élection présidentielle de 2016. (...)

Quand le fantasque président américain a pris ses distances et refusé de financer l’OMS à cause de la déplorable gestion de l’épidémie, Beijing a saisi l’occasion et s’est assuré un ascendant supplémentaire en promettant le 23 avril de verser trente millions de dollars de plus à l’Organisation. Le régime, d’autre part et surtout, se trouve déjà à la tête de quatre organisations spécialisées des Nations unies (...)

Mais pour ce qui est du sujet central des droits, le sommet de l’ambiguïté et de la dérision a été atteint depuis longtemps avec le Conseil des Nations unies pour les droits de l’Homme. Ses membres sont élus pour l’essentiel sur la base d’une répartition géographique et non pour leur engagement effectif en faveur des droits2. Les régimes les plus hostiles aux libertés individuelles ou collectives y ont donc droit de cité, ce qui retire beaucoup d’intérêt à des débats qui pourtant engagent l’avenir du monde. Cette situation est risible et désespérante, tout le monde le sait, chaque gouvernement se tait et chaque silence est reçu par les dictatures comme une invitation à continuer. (...)

Un nouveau pas vient d’être franchi avec la nomination d’un officiel chinois au Groupe Consultatif du Conseil sur les droits de l’Homme de Genève. Ce groupe de cinq membres donne son avis sur les rapporteurs spéciaux, sur les experts et les membres des groupes de travail auxquels le Conseil a recours. (...)

Rien d’étonnant, certes, que pour de nombreux gouvernements de par le monde, les droits de l’Homme ne soient qu’entraves à leur arbitraire. Mais il est beaucoup plus grave que les institutions internationales, censées par leur histoire et leur composition pluraliste avoir plus de prestige et d’autorité que chacun de leurs
membres particuliers, se plient au contraire aux désirs de ces derniers, soit par manque de courage, soit par volonté d’obtenir coûte que coûte les ressources financières qui leur ont été promises et qu’elles jugent indispensables à leur survie