
Et si notre société occidentale adoptait la vision du monde des Indiens d’Amazonie ? C’est ce que mettent en scène les aquarelles d’Alessandro Pignocchi, inspirées de sa découverte des Achuars. Rencontre avec un urbain qui tente de repenser notre rapport à la nature.
À Reporterre, les dessins de son blog nous ont emballé. Vous les avez peut-être aperçus : Manuel Valls qui s’émeut d’avoir écrasé un hérisson, ou qui craque en direct à la radio, car il voudrait démissionner pour émigrer vers des contrées à la biodiversité encore préservée…
À voir ces aquarelles, il y a d’abord le sentiment jouissif d’imaginer une société dans laquelle les politiques seraient - enfin ! - vraiment écolos. Puis on saisit la portée du message, qui pousse vers une profonde remise en question du rapport à la nature au sein de notre société occidentale.
On a donc voulu rencontrer l’auteur de ces dessins. Alessandro Pignocchi, la trentaine et les cheveux bruns comme son patronyme italien, se ballade dans les rues de Paris avec un gros sac à dos. Il a récemment quitté la capitale pour une maisonnette en banlieue. « J’ai toujours habité dans des grandes villes, et je me suis toujours senti insatisfait », explique-t-il. (...)
Le concept d’animisme remet en cause la séparation entre nature et culture instaurée dans notre société occidentale. « On a l’impression, d’un coup, de nous voir du dessus. On se rend compte que des idées qui structurent notre façon d’être, qui nous paraissent évidentes, sont en fait totalement construites. »
Alessandro Pignocchi pense d’abord traduire cette émotion intellectuelle et cette fascination pour le travail de l’anthropologue en travail universitaire. En tant que chercheur en sciences cognitives, il étudie déjà les mécanismes psychologiques qui font que l’on apprécie une œuvre d’art.
Selon lui, les œuvres d’art sont les objets dans lesquels nous cherchons le plus de traces des intentions de l’auteur. « Je voulais creuser l’idée qu’à l’autre extrémité, la nature est l’endroit où l’on perçoit le moins de traces d’intention humaines », avance-t-il. (...)
Il termine notre entretien avec cette anecdote : « Un homme se battait pour faire protéger un site dans le désert, où il y avait une espèce de petits poissons, contre un projet d’exploitation pétrolière. Les avocats de ceux qui voulaient détruire la zone demandaient “Mais à quoi sert ce poisson ?” L’homme a d’abord essayé de le défendre en disant que sa physiologie particulière pourrait inspirer des découvertes médicales. Puis à la fin, exaspéré, il a demandé à l’avocat “et toi, à quoi tu sers ?” »