
Dire que la planète connaît un réchauffement climatique n’a rien de nouveau. Postuler que celui-ci aura un impact sur notre environnement, nos modes de vie, et nos activités économiques n’est pas non plus de l’ordre de l’inédit. Pourtant, nous avons tous bien du mal à en prendre la mesure. Avec le rapport commandé par le Conseil régional d’Aquitaine et confié à une équipe de chercheurs pilotée par le climatologue de renom Hervé Le Treut, les vulnérabilités tant économiques, sociologiques et environnementales de l’Aquitaine au changement climatique sont désormais clairement posées.
(...) « L’Aquitaine est une des régions de France où le réchauffement risque d’être le plus fort » ; la faute en partie à « sa situation géographique, son positionnement par rapport à l’anticyclone des Açores » analyse Hervé le Treut. A cet égard, la multiplication actuelle des sécheresses n’augure rien de bon pour les prochaines décennies. Dans le pire des scénarios, à la fin du siècle l’Aquitaine pourrait vivre des températures estivales en hausse moyenne de 10°C. Pour autant, prévient l’expert du GIEC (Groupe d’ Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat), « le travail est délicat puisqu’on est dans le domaine de l’anticipation ». Par prudence intellectuelle, 2 scenarii ont donc été pris en compte, l’un envisageant une hausse de 2°C au cours du siècle, l’autre, apparemment de plus en plus probable, de 4 à 5°C. (...)
Quant aux projections faites par le rapport, elles démontrent que « le système global que nous connaissons pourra avoir changé de manière radicale dans 30 à 40 ans », prévient Hervé Le Treut. C’est le cas par exemple, dans le domaine viticole, lorsque le constat à terme défavorable est fait de l’augmentation de la teneur en sucre et en alcool des vins de Bordeaux. (...)
La même nécessité d’adaptation est à penser plus globalement sur l’ensemble de l’agriculture et de la forêt... Avec un climat plus chaud, comment adapter ces productions phares de l’économie aquitaine, et comment limiter l’impact de nouvelles espèces invasives ou locales mais destructives qui se développeront plus facilement ? Les questionnements sont aussi lancés sur la montagne. Quid du tourisme hivernal qui parie sur le tout ski ? Comment protéger l’avenir de certaines espèces endémiques vivant déjà sous la forte pression des activités humaines ? Et de la même manière, les alarmes passent au rouge sur le trait de côte, la gestion de l’air, la santé (catastrophes naturelles, allergies, pollution...) ou la gestion de l’eau pour laquelle on prévoit d’ici 2030 pour l’amont de la Garonne des baisses de débits annuels de 20 à 30%... Des questionnements dont le réchauffement climatique n’est certes pas la seule cause, mais qui les aggravent et souvent renforcent leurs connections. (...)
Mais le rapport pointe un autre type de risque : la vulnérabilité sociale. Autrement dit, l’acceptation par chacun de devoir modifier son mode de vie. « Le risque de conflits entre les scientifiques, arrivant avec des solutions toutes faites, et la société est réel si on ne passe pas à plus de dialogue et d’explications avec la population », avertit Denis Salles, le sociologue du groupe. Dans cette logique, ce rapport recommande fortement la dissémination des informations qu’il contient et sa confrontation avec ce qui peut avoir des incidences locales. Des débats et séminaires thématiques vont être organisés par la Région avec la participation des parties prenantes : décideurs, associations, professionnels...
Autre recommandation du rapport : repenser les modes de gouvernance et les politiques. (...)