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Ces villages palestiniens qui vivent dans la peur des attaques des colons
Article mis en ligne le 20 octobre 2015

Alors que la Palestine s’embrase, les villages de Cisjordanie font face aux attaques quasi quotidiennes de colons israéliens installés sur leurs terres.

Menaces, jets de pierres ou de cocktails Molotov, incendies de terres agricoles ou de maisons : ils rendent la vie impossible à leurs voisins arabes, jusqu’à brûler vive une famille palestinienne, fin juillet. Un harcèlement qui s’inscrit dans une logique de conquête de territoire et contribue à alimenter le cycle de violence actuel. Malgré des déclarations de principes, qualifiant les colons d’extrême droite de « terroristes », le gouvernement israélien les laisse perpétrer leurs exactions dans l’impunité la plus totale.

« Nous intervenons dans 27 villages [environ 100 000 habitants en tout], que nous avons notamment sélectionnés en fonction du nombre d’attaques de colons dont ils étaient victimes chaque année », explique Mahmud Isleem, coordinateur pour Médecins du Monde. Depuis 2012, l’organisation a lancé un programme de soutien psychosocial aux populations victimes de violences dans le nord de la Cisjordanie, autour de Naplouse, suite au constat de l’intensification des agressions.

Une attaque de colons toutes les 36 heures (...)

Certaines maisons se mettent à ressembler à des prisons, mais c’est la seule solution pour les protéger. « Les colons s’en prennent aussi beaucoup aux oliviers, en les coupant ou en les brûlant, car nous sommes dans des communautés rurales, qui économiquement, dépendent largement de la récolte des olives », précise Patricia Grillo, chargée de plaidoyer à l’ONG Première urgence internationale (PUI).
Des attaques pour récupérer illégalement des terres

Principales victimes : les villages situés à proximité des colonies, ou des avant-postes, les implantations qui n’ont pas été approuvées par le gouvernement israélien. Les colonies israéliennes sont illégales au regard du droit international puisque la Convention de Genève interdit strictement le transfert de population civile d’un État vers un territoire occupé, mais Israël n’en tient pas compte en autorisant une grande partie des colonies en Cisjordanie. Les avant-postes s’y installent sans autorisation du gouvernement, et violent donc également les lois israéliennes, mais ils bénéficient pourtant souvent d’une validation rétroactive. « Ils attaquent pour gagner du terrain, récupérer des terres », analyse Mahmud Isleem.

Autre moteur des violences : la vengeance, avec le mouvement « le prix à payer », un mouvement informel dont se revendique les colons d’extrême droite. Ces colons ripostent ainsi à toute décision du gouvernement israélien qui ne leur serait pas favorable en s’en prenant au hasard aux Palestiniens. C’est notamment le cas après des évacuations d’avant-postes, qui sont illégaux même au regard de la loi israélienne.

« On voit des gosses qui jouent aux colons et aux Palestiniens » (...)

Les acteurs humanitaires s’entendent pour dire que ces actes violents doivent être mis en lien avec la politique de colonisation de la Cisjordanie. D’après l’organisation israélienne Yesh Din, ils font partie des stratégies d’accaparement de ce territoire par ceux qui le considèrent comme la Judée et Samarie, une terre israélienne. Cela passe par l’installation des colonies et avant-postes, la déclaration de zones de sécurité ou zones militaires autour de ces implantations, l’appropriation de terrains pour leurs infrastructures… puis l’instauration de « zones de peur » où en raison des violences et du harcèlement les Palestiniens n’oseront plus aller [2]

Le mouvement du « prix à payer », quant à lui, contribue à faire pression sur le gouvernement israélien pour obtenir des politiques favorables à la colonisation. En 2013 la ministre de la justice israélienne Tzipi Livni propose de les sanctionner comme des terroristes, proposition qui sera rejetée par Benjamin Netanyahu. L’absence de fermeté d’Israël à l’encontre de ces factions – ils ne représentent qu’une partie des 340 000 colons – est souvent perçue comme un soutien implicite à la colonisation. Impression alimentée par la poursuite des implantations en Cisjordanie et la légalisation a posteriori des avant-postes.

Les gens qui vont mieux sont souvent ceux qui sont actifs dans la lutte (...)

La cohabitation avec des colons agressifs et les confrontations avec l’armée sont à replacer dans un contexte de sentiment d’oppression et d’injustice plus large, à l’échelle de tout un territoire, et sur des décennies. « Ce qu’on fait est un sparadrap sur une plaie qui ne se refermera pas tant que le conflit est là », conclut Maximilien Zimmermann. « Finalement, on constate que les gens qui vont mieux sont souvent ceux qui sont actifs dans la lutte : ils gèrent mieux d’un point de vue psychologique. Les gens désespérés, passifs, ont une souffrance plus grande que ceux qui vont s’engager dans un mouvement, une ONG, ou une forme d’expression artistique pour transformer ces émotions négatives. » Avec la montée des tensions dans toute la Cisjordanie, les attaques se sont intensifiées et les acteurs de terrain peinent à tenir les comptes. L’issue de cette escalade est pour le moins incertaine mais les impacts sur les communautés seront forcément significatifs.