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Ces sauveteurs du climat qui commencent à inquiéter l’industrie pétrolière
Article mis en ligne le 11 septembre 2015
dernière modification le 4 septembre 2015

Blocages de projets polluants, marches mondiales pour le climat, campagne contre l’industrie pétrolière et gazière : les actions organisées par 350.org – un réseau de militants du climat né dans les campus nord-américains – commencent à rencontrer un succès populaire qui contredit l’ambiance de résignation face au changement climatique.

Leur campagne pour le désinvestissement des énergies fossiles a réussi à mobiliser une large coalition d’acteurs, allant des militants de l’action directe de la mouvance Occupy Wall Street à des investisseurs comme le fonds Rockefeller, en passant par des congrégations religieuses et des médias tel le Guardian. May Boeve, 31 ans et directrice exécutive de 350.org, est l’une des chevilles ouvrières de ce mouvement. Rencontre. (...)

May Boeve : [2] Nous avons créé 350.org pour travailler sur une seule question : le besoin urgent d’agir contre le changement climatique. Le changement climatique est un enjeu qui nous accompagnera toute notre vie, mais si nous ne réagissons pas très rapidement et avec une ampleur suffisante, ses conséquences seront dramatiques. Au début, nous ne pensions pas construire une organisation destinée à durer sur le long terme. Honnêtement, nous ne pensions même pas qu’elle existerait encore en 2015… Nous nous concevons plutôt comme un réseau. Aujourd’hui, il a grandi partout dans le monde mais nous essayons de rester concentrés sur notre objectif initial.

Sur la question du climat, il existe déjà nombre de recherches et d’analyses, beaucoup de lobbying. Ce qui manque, c’est la volonté politique. Nous mettons donc l’accent sur la mobilisation et l’action, ce qui est une manière de compléter ce que font les autres organisations, en construisant une pression politique. La première chose que nous avons faite a été une journée mondiale d’actions. Nous avons commencé directement à l’échelle mondiale. Maintenant nous essayons plutôt de développer des campagnes là où nous avons la possibilité de changer les rapports de force politiques. (...)

Pourquoi accorder une aussi large place à l’action directe ?

Pour que les gens comprennent la gravité du changement climatique, il faut montrer que certains sont prêts à prendre des risques personnels pour contribuer à résoudre le problème. C’est la raison pour laquelle nous avons mis l’accent sur l’action directe. En plus, elle amène des résultats concrets (...)

de plus en plus de gens « normaux » subissent les impacts du changement climatique. Ils sont forcés de quitter leur maison, ils voient l’océan changer à cause de l’élévation du niveau des mers. Notre première tâche est de raconter cette histoire, en montrant que le changement climatique est déjà là, qu’il ne s’agit pas seulement d’un problème pour les générations futures. Toucher les gens ordinaires, c’est aussi leur montrer qu’il est encore possible de faire quelque chose, même à leur niveau. Partout dans le monde, il y a de nouveaux projets d’extraction d’énergies fossiles, charbon, pétrole ou gaz. Nous ne sommes pas obligés de les mener à bien, il existe des alternatives, notamment les énergies renouvelables. Lorsque nous montrons que notre action peut être efficace – que telle centrale électrique au charbon ne sera pas construite, que telle mine en Australie ne sera pas ouverte –, l’enjeu devient plus réel pour les gens. (...)

Les gens sont parfaitement capables de comprendre l’enjeu du changement climatique et de relever le défi. Pour moi, le problème n’est pas le manque de volonté d’agir, c’est le manque de débouchés pour cette volonté d’agir. Est-ce que nous offrons aux gens suffisamment de voies pour manifester ce qui les préoccupe et ce qui est important pour eux ? (...)

Se contenter de dire aux salariés des industries fossiles que nous n’avons plus besoin d’eux et que leur emploi doit disparaître, ce n’est pas possible. Ce n’est pas conforme à la situation. Nous savons que les alternatives sont bien plus créatrices d’emplois que l’économie actuelle. Et l’idée que de toute façon « il n’y pas d’emplois sur une planète morte » se renforce.

Au sein de la Marche pour le climat à New York, il y avait un énorme contingent syndical. De nombreuses collaborations sont en cours aux États-Unis, par exemple sur la question de la régulation des centrales au charbon. L’idée qu’il faudrait choisir entre l’emploi et l’environnement est une stratégie de division. Nous essayons donc de surmonter certaines animosités historiques et de travailler avec les syndicats. (...)

Quel bilan tirez-vous de cette campagne pour le désinvestissement des énergies fossiles ?

Nous avons comptabilisé, à ce jour, plus de 50 milliards de dollars d’actifs qui sont sortis des énergies fossiles au cours de l’année écoulée. c’est beaucoup plus que ce que nous espérions. Nous allons bientôt annoncer un nouveau chiffre, encore supérieur. De ce point de vue, c’est clairement un succès. Notre objectif déclaré est aussi de détruire la crédibilité et la légitimité de l’industrie des énergies fossiles auprès des décideurs et de l’opinion. Là aussi, il y a des signaux innombrables, émanant de l’industrie et des investisseurs, qui suggèrent que la campagne pour le désinvestissement est effectivement perçue comme une menace existentielle par le secteur. Mais tout ceci sera-t-il suffisant pour faire pression sur nos dirigeants afin qu’ils mettent en place la politique dont nous avons besoin ? Retirer aux énergies fossiles leur crédibilité n’a de sens que si cela permet à la démocratie de prendre le relais, et de s’accorder sur les décisions nécessaires indépendamment de la pression des lobbies.

Vous n’avez donc pas perdu tout espoir sur l’utilité de la COP21, la conférence climat qui va se tenir à Paris en décembre prochain ?

Pas du tout. Nous avons besoin du niveau maximum d’actions à tous les niveaux de gouvernement et à l’échelle mondiale. Le processus en cours aux Nations Unies est essentiel. (...)

Au-delà les multinationales occidentales du pétrole et du charbon, comment agir sur les décideurs en Chine, en Inde, en Russie, ou encore en Afrique ?

Nous menons une campagne de désinvestissement en Afrique du Sud. Nous essayons d’utiliser des cadres communs à l’échelle mondiale, mais avec des objectifs et des approches différentes selon les pays. En Inde ou en Chine, il est clair que c’est extrêmement difficile. La question à se poser sérieusement – non seulement 350.org, mais le mouvement pour la justice climatique dans son ensemble – est comment travailler dans des pays dont les choix seront décisifs pour le climat, mais qui n’accordent pas de place, ou presque, à l’action de la société civile. Je pense que l’une des clés sera de travailler sur l’accès à l’énergie, dans des pays où de nombreuses personnes continuent à souffrir du manque d’électricité.