
Depuis quelques semaines, le rapatriement des migrants expulsés d’Algérie vers le Niger est très ralenti, et les camps de transit sur l’axe Assamaka - Arlit - Agadez sont débordés. Entre soubresauts géopolitiques, complications consulaires, et difficultés logistiques, la patience de certains migrants est mise à rude épreuve.
(...) "Cela fait maintenant trois mois que je suis bloqué ici, après avoir déjà patienté un mois à Assamaka", déplore le migrant de 30 ans. Demeurer si longtemps au Niger n’a jamais fait partie de ses plans : Kabirou Youssouf travaillait dans l’agriculture en Algérie quand il s’est fait arrêter et sommairement expulser comme des dizaines de milliers d’autres Africains subsahariens.
Son compatriote Husseimi Hamissou, 27 ans, opine du chef. Lui aussi attend, depuis quatre mois, de pouvoir rentrer chez lui à Kano, dans le nord du Nigeria. (...)
Nous rencontrons les deux hommes dans les rues poussiéreuses d’Arlit, localité célèbre pour ses mines d’uranium. À la recherche d’un petit boulot de maçonnerie, ils transportent des vêtements de rechange dans un sac plastique. S’ils trouvent du travail, ils recevront entre 1 000 et 1 500 francs CFA par jour (équivalents à 1,50 et 2,30 euros).
Les deux Nigérians se sont enregistrés auprès de l’OIM pour être rapatriés mais, à mesure que les jours se transforment en semaines, puis les semaines en mois, ils commencent à perdre espoir. "Ça fait mal de voir les autres nationalités passer avant nous, alors que nous sommes là depuis plus longtemps !", s’exclame Kabirou Youssouf. (...)
Lors d’une interview, l’OIM a reconnu des blocages temporaires mais fermement nié avoir donné la priorité à certaines nationalités plutôt qu’à d’autres.
"La majorité des migrants ici sont francophones, notamment guinéens et maliens, et ça peut donner aux autres la fausse impression qu’ils sont privilégiés (...) Mais la règle est très claire, les rapatriements suivent l’ordre des arrivées", affirme Joseph Dück, gestionnaire du centre de l’OIM d’Agadez.
Le responsable invoque des motifs sanitaires, sécuritaires, et consulaires pour expliquer les récents retards. De manière générale, l’OIM est tributaire des processus imposés par les États d’origine pour délivrer les laissez-passer. Chaque nouvelle exigence de ces derniers - entretiens en vidéoconférence avec le migrant, vaccination Covid, formulaires rébarbatifs, etc. - entraîne un peu plus de retard pour les migrants originaires de ces pays. (...)
Des afflux de refoulés imprévisibles
Mais de nombreux facteurs ne dépendent pas de l’organisation internationale. Le Covid a ralenti les opérations, tout comme l’épidémie de coups d’État dans la région - Mali en 2020 et 2021, Guinée-Conakry en 2021, Burkina Faso en 2022 - qui entraînent régulièrement des fermetures temporaires de frontières. (...)
Surtout, le fait que le Niger ne contrôle pas réellement sa frontière avec l’Algérie signifie que les flux de migrants refoulés ne sont absolument pas régulés en amont. Comme l’a raconté InfoMigrants dans un précédent reportage, les autorités algériennes déposent tous les Africains subsahariens expulsés, indépendamment de leur nationalité, à un lieu nommé Point-Zéro au milieu du désert, qui marque la frontière entre les deux pays.
"On traite environ 100 procédures de profilage* par jour, ça prend donc environ 10 jours pour faire 1 000 personnes", confie à InfoMigrants un agent de l’OIM qui n’est pas autorisé à s’exprimer publiquement au nom de l’organisation. "Le problème est que, dès qu’on déplace des migrants, l’Algérie en envoie d’autres. Ça dépasse nos capacités." (...)