
En Syrie, il travaillait comme « pigiste » pour le journal français Le Monde ou pour des radios, dont France Culture.
Au début, notre témoin a hésité à raconter : « Je ne veux pas que cela soit mal interprété », insiste-t-il et il fallait penser à la sécurité des gens restés « là-bas ». Une autre raison ? « Ici en France, beaucoup se contentent de me poser la question sur ma détention ou sur les conditions de prison. Personne ne veut qu’on parle des Syriens et de ce qu’ils subissent là-bas ». Le black-out sur ce peuple est presque total et pour des raisons de « politiques stratégiques » évidentes : le régime syrien est un verrou régional, un « meilleur ennemi » d’Israël et un pilier de l’équilibre instable de la région.
Démocratiser la Syrie est synonyme d’instabilité pour l’Occident et Israël surtout. Khaled en est conscient, « sauf qu’il me faut parler. Il faut que je dénonce ces monstres en Syrie et ce qu’ils font subir aux Syriens. Il faut que le monde sache ». Images de torturés, « d’hommes dans mon couloir de cellule que j’entendais pleurer comme des petites filles après les tortures ».
Un instant, dans ce resto fermé sur lui-même comme tout l’Occident, Khaled pleure. Il est seul à entendre les cris et à revoir les images du cauchemar syrien. Moment de silence. Dans le resto, cliquetis des fourchettes sur les assiettes. Impression que la terre est composée de sept planètes. Chacune dans un monde à part. Isoloirs des drames modernes dans l’étreinte de la mondialisation qui en sélectionne les best-sellers.
Je ne pardonnerai jamais à ces gens d’avoir fait ce qu’ils ont fait de ce peuple. Il faut le dire partout, le dénoncer, le crier ». (...)
A un certain moment, on comprend que « les Moukhabarates » sont prises dans leur propre délire. C’est une hystérie clinique, pas une répression uniquement. J’ai un moment songé à la grève de la faim mais j’ai un peu hésité : d’abord à cause de la torture qui frappe tous ceux qui osent faire grève. Sous la torture éventuelle, j’aurais pu pour les gens que j’ai connus dans ce pays. Pour ceux qui y habitent et que je pourrais citer. J’avais peur ».
La prison, sans jour ni nuit(...)
La raison de cet emprisonnement de 23 jours ? « Je ne sais pas. Je possédais beaucoup d’archives en tant que journaliste. Je pense parfois qu’ils avaient besoin de délais pour tout fouiller et analyser. Je ne savais rien de ce qui se passait dehors ». Rien donc de la mobilisation internationale qu’a provoquée l’arrestation de Khaled Mohand. Pétitions, appels d’intellectuels, mobilisation de la diplomatique algérienne et de celle de la France, etc.
Il aura fallu donc 23 jours pour retrouver où était Khaled Sid Mohand et qui le détenait. « Les derniers jours, le traitement et le comportement des agents des Services avaient changé ». C’était la fin d’un séjour absurde, menaçant pour la vie et pouvant déboucher sur le pire.(...)
Le 23e jour, il sera cependant libre après une intervention directe et frontale des diplomates algériens et français en poste dans ce pays. « J’ai été rapatrié vers notre ambassade et pris en charge. Autant par les nôtres que par les Français ».(...)
Mais que s’est-il vraiment passé dans ce pays ?
« C’est long à raconter. D’abord, il faut savoir que les Syriens sont un peuple d’un calme et d’un civisme incroyables. En deux ans, je n’ai jamais assisté à une seule dispute violente dans la rue et, tout d’un coup, c’est la révolution ». D’autant plus imprévisible dans un pays « domestiqué » par la mainmise totale des Moukhabarates sur toute la vie sociale.(...) Wikio