
Les images d’Homo Sapiens pourraient venir d’un film de science-fiction, se déroulant dans une Terre devenue inhabitée. Nikolaus Geyrhalter filme des endroits désolés où il ne reste que des traces du passage des humains et de la civilisation.
Il y a dix ans, l’Autrichien Nikolaus Geyrhalter traitait déjà de déshumanisation en marche avec Notre pain quotidien, documentaire cauchemardesque sur l’industrie alimentaire. Dans l’ironiquement nommé Homo Sapiens, il est littéralement question de déshumanisation : le film consiste en une succession de plan d’endroits abandonnés par l’homme. Ce ne sont pas seulement des lieux « vides », comme une forêt sans âme qui vive. Ce sont des endroits où demeurent des traces de l’humanité, de la civilisation, mais qui ont semble t-il été oubliés par le monde entier. De Fukushima à Nagasaki, de l’ex-Union soviétique aux bois jolis d’Autriche, Geyrhalter a posé sa caméra dans des lieux qui hier encore vivaient, et qui aujourd’hui ne semblent à première vue qu’accueillir quelques piafs et crapauds. (...)
C’est presque, dans une richesse de tons remarquable, à un comique de répétition qu’on assiste avec une escalade de l’improbable, comme ces missiles laissés à l’air libre ou cette route qui s’est totalement cassé la gueule. Stades géants dans lesquels goutte la pluie, lieux de loisirs en friche et encore plus sinistres, hôpital et ses fantômes : autant d’anomalies poétiques que le cinéaste donne à voir.
Il y a une tristesse qui ressort de ce spectacle, à l’image de mascottes rose bonbon, éventrées et la tête par terre. Mais le film, plus complexe qu’il n’en a l’air, charrie des émotions contradictoires. On assiste à une apocalypse, mais le chaos ici est paisible. La nature a repris ses droits, comme si l’humanité avait vraiment disparu — et la vie continue. (...)